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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

pas moins honneur à sa galanterie, il s’approcha d’elle cependant ; mais Teresina se dirigeait vers un boudoir octogone où elle pria Charles de la laisser, désirant, disait-elle, se remettre de l’émotion qu’elle éprouvait. Le comte de San-Pietro avait reconnu le capitaine, il savait que Bellerose lui avait parlé ; il consentit donc à s’éloigner pour un instant de Teresina, en échangeant avec la Ripaille un geste d’intelligence.

— Voilà ma faction qui commence, pensa le nouveau surveillant de la comtesse, Dieu me protège dans ce poste périlleux. Dire que je suis ici l’humble valet de ce comte de la Futaille, un drôle qui refusait souvent de me verser à boire au cabaret de monsieur son père, pour ne pas salir ses belles manchettes,. N’importe, soyons attentif.

Le boudoir où se trouvait alors Teresina, presque isolée de la foule, consistait dans une pièce embaumée d’arbustes rares. Étendue sur un sofa, la comtesse pouvait de cet endroit contempler le bal à loisir, et là aussi on pouvait la voir. Son regard, chargé de langueur, ne s’était cependant arrêté encore sur aucun objet, il errait sur cette foule avec une rare indifférence. Tout d’un coup le frôlement d’un domino la fit retourner, c’était un masque qui venait de se glisser près d’elle par une porte de côté.

Au moment où la Ripaille, en vedette fidèle, allait se rapprocher de ce masque insidieux, un autre personnage également masqué suivit la trace du premier en coudoyant le capitaine avec un geste prononcé d’impatience.

— Faites donc attention, monsieur, dit la Ripaille avec un sourd grognement, j’ai mon masque à la main, et vous pouvez voir à mes moustaches et à ma royale…

— Que vous jouez là un sot rôle, mon cher ami, vous tenir planté comme un chien de pierre devant la comtesse… Vous eussiez mieux fait de pendre votre épée au croc…

Cette voix produisit sur la Ripaille l’effet d’un coup de tonnerre.

— C’est lui, c’est mon homme, plus de doute, je le re-