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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

— Il vous charge d’une commission délicate, dit Bellerose.

— Bon ! comme cet inconnu de l’autre jour, qui a été si exact à son rendez-vous ! répondit la Ripaille ironiquement.

— Je ne sais pas quel est cet inconnu, mais le comte est exact à ses engagements, croyez-le. Il vous charge donc de surveiller sa femme pendant toute cette soirée.

— Surveiller sa femme ! Y pensez-vous ? Un emploi pareil… Il est donc jaloux ?

— Peut-être.

— En ce cas, comptez sur moi.

— Voici le comte de San-Pietro et la comtesse. Regardez-la bien afin de la reconnaître… Et maintenant, suivez-moi !

Bellerose entraîna alors le capitaine dans une rotonde fermée, où il avait fait préparer pour les acteurs du Théâtre-Italien une collation des plus choisies. Une fois placé devant les flacons, la Ripaille en écouta mieux ce que l’intendant du comte lui enjoignait d’observer. L’espoir de retrouver à ce bal son agresseur de l’autre soir l’obligeant à jouer pour son compte le rôle d’inquisiteur, il faisait ainsi d’une pierre deux coups. Après s’être préparé à l’aide de quelques rasades, le capitaine voulut d’abord rentrer dans le salon, rempli déjà d’une brillante cohue de masques ; mais son regard chercha vainement la comtesse… Il se remit donc à causer avec Bellerose.

Pendant ce temps, Charles et Teresina avaient peine à fendre la presse qui les entourait ; ce n’était partout, depuis le vestibule jusqu’aux pièces les plus reculées, qu’une suite de compliments sur leur passage.

Teresina s’était pliée à l’exigence de cette fête, elle était pâle, et cette pâleur relevait merveilleusement sa beauté. Encore bouleversée des émotions qu’elle avait subies, elle avait l’air de demander grâce à quelque mauvais génie ; elle ne parcourait ces vastes galeries qu’en tremblant. L’apparition de Pompeo, deux jours auparavant, l’avait foudroyée, en même temps que celle de cet homme dont avait cru reconnaître la voix sous le masque. Qu’était de-