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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

cardinal, force lui avait été d’écarter de temps à autre, avec sa rapière, des manants ou des oisifs ; aussi lorsqu’il se trouva sous les arcades, il s’éventa complaisamment avec la longue plume de son feutre.

En ce moment, et comme il prenait ses aises sous la colonnade, un laquais s’en vint lui demander ce qu’il faisait là, et s’il n’était pas, d’aventure, l’un des gens de M. de Luynes.

Dans la disposition d’esprit où il se trouvait, cette demande ne pouvait manquer de déplaire à Pompeo ; il toisa le laquais à le faire rentrer cent pieds sous terre.

— Insolent faquin s’écria-t-il, je suis ici parce qu’il me plaît d’y être. Arrière !

Puis, cette première fureur calmée, l’Italien comprenant qu’on allait peut-être lui faire un mauvais parti, céda aux remontrances de cet homme, et regagna la rue des Bons-Enfants.

Il n’y était pas depuis un quart d’heure à s’y promener de long en large, roulant mille plans de vengeance dans son esprit, quand un personnage enveloppé comme lui dans son manteau jusqu’aux yeux, et traînant sur le pavé une rapière formidable par sa longueur, se mit à arpenter le terrain, tout en ayant l’œil de temps à autre sur une petite porte basse attenant au palais, devant laquelle l’Italien marchait à grands pas sans y donner la moindre attention.

— C’est lui, plus de doute, murmura le personnage à la rapière. Diable il est à l’avance, il m’avait dit : À minuit !

Et s’approchant de Pompeo avec une obséquieuse précaution, le nouveau venu s’excusa de s’être laissé prévenir par lui au rendez-vous.

— De quel rendez-vous voulez-vous parler, monsieur ? demanda l’Italien d’une voix brève.

— Mais… monseigneur… reprit l’homme à la rapière, de celui que vous m’avez donné hier soir. Vous ne pouvez, je pense, l’avoir oublié ; ne me reconnaissez-vous pas ? je suis le capitaine la Ripaille…