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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Madame, reprit-il, vous m’avez sauvé, je vous dois une vie nouvelle.

— Dites donc au moins que vous ne partirez plus, monsieur ? demanda la duchesse, heureuse du bonheur de Charles.

— Ah ! madame…

— On a bien du mal à vous faire faire ce qu’on veut.

— Qui donc m’aurait regretté ?

— Moi, d’abord, puis cette Giuditta. À propos, monsieur le comte, voilà des plumes, de l’encre, tout ce qu’il faut pour écrire… Mettez-vous ici, écrivez…

— Quoi ! vous voudriez…

— Il vous faut prévenir Giuditta que vous irez à la fête de l’archiduc… Elle y sera, elle vous y verra ; je veux qu’elle vous y voie. Giuditta, dit-on, tient cercle dans cette ville ; pour votre début, il ne faut pas vous brouiller avec les puissances, reprit la duchesse avec enjouement. Songez d’ailleurs que le seul renvoi de son bouquet…

— J’obéis, duchesse, non pour Giuditta, mais pour vous,

— Et moi, Charles, je vous promets d’obéir aussi à l’invitation de l’archiduc. J’irai à cette fête, on m’y verra avec vous. Dans six jours, je présenterai à l’archiduc lui-même le comte de San-Pietro.


XVI

CHEZ L’ARCHIDUC.


La fête de l’archiduc avait lieu dans le Palazzo-Vecchio lui-même, ce palais de fer et de créneaux, métamorphosé alors en salle de bal, comme un vieux ligueur du temps de Henri III transformé en brillant muguet.

Sur la porte même, deux bras de bois, armés de torches colossales, éclairaient l’écusson d’or aux tourteaux de gueules, armes des Médicis entaillées dans la muraille.

Le jeune homme traversa d’abord la salle de l’audience