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fut l’archétype des faiseurs de systèmes qui expliquent et qui commentent et qui réduisent aux dimensions de leur intellect le Cosmos et ses lois cachées.

Parfois, le symbole prend une valeur morale, sociale même. Ainsi dans cet admirable poème des pécheurs. Les petites lumières de leurs barques percent la brume floconneuse ; elles sont distantes les unes des autres : les vieux pêcheurs s’ignorent entre eux, ils ne se voient pas, et chacun d’eux est comme seul sur la rivière mauvaise…

Dites, si, dans leur nuit, ils s’appelaient
Et si leurs voix se consolaient !

Ce n’est qu’un cri, mais d’une telle émotion douloureuse qu’il retentit dans les profondeurs de l’âme. Délivré des anciennes hantises, le poète s’écarte de son propre tourment et il se passionne pour l’immense douleur humaine…


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Les questions sociales l’avaient, dès sa jeunesse, inquiété. Les revues belges auxquelles il collabora d’abord, — la Société nouvelle, par exemple, — ne bataillaient pas moins pour la liberté politique que pour l’émancipation littéraire. En 1892, il se consacre au développement de la Maison du Peuple, à Bruxelles. Avec Eekhoud et Vandervelde, il y fonde une section d’art ; il travaille activement aux œuvres d’éducation populaire[1].

C’est à de telles préoccupations que correspond la

  1. Vielé-Griffin, l. l.