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labe muette de phares est tout à fait élidée. Il y a, du reste, d’autres exemples de tels vers dans les Soirs et les Débâcles :


Tout(e) cette humanité de folie et d’éclair…
Ils arriv(ent) doux et pleins de soir, le long des rampes…
Effrayant(es) et qui s(e)raient les idoles guerrières.


Il arrive aussi qu’un vers de onze pieds soit égaré parmi des alexandrins. Si on l’examine avec soin, on constate que, pour quelque raison particulière, l’hémistiche plus court est allongé par la prononciation, de manière à faire équilibre à l’autre :


Seigneur, mon cœur ! Vers ton pâle inf‍ini vide…
Et s’exalter de ce mépris, vain lui-même…


Il semble qu’après cœur dans le premier vers, mépris dans le second, il faille compter un silence de la durée d’une syllabe.

Verhaeren est en train de s’émanciper des règles anciennes. L’alexandrin continu n’est plus, comme dans les Flamandes et les Moines, le seul mètre qu’il emploie ; mais il combine des strophes, rigides encore et peu variées, il est vrai : 12, 8, 8, 8, 12, ou bien 12, 12, 10, 12, etc. Un poème des Débâcles, intitulé « Là-bas », accentue, — dans sa première partie, — la transition au vers libre : on n’y trouve, sans doute, que des mètres de six, huit, dix, douze syllabes, mais librement enchevêtrés, et leur disposition ne se reproduit pas en strophes répétées ; en outre, un vers n’y rime pas.

Les Flambeaux noirs sont écrits en vers libres, — aussi libres, du moins, qu’en écrira jamais Verhaeren.