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selon sa foi, tandis que le ministre protestant gouverne la sienne selon son intérêt. Celui-ci est admis dans le temple par une secte ; l’autre ouvre son église à tous les hommes : le premier accepte la loi ; le second l’impose.

Voyez le ministre protestant, docile, obséquieux envers ceux qui lui ont donné mandat ; et le prêtre catholique, mandataire de Dieu seul, parlant avec autorité aux hommes dont le devoir est de lui obéir.

Les passions orgueilleuses des blancs ordonnent au pasteur protestant de repousser du temple de misérables créatures, et les nègres en sont exclus.

Mais ces nègres, qui sont des hommes, entrent dans l’église catholique, parce que là ce n’est plus l’orgueil humain qui commande : c’est le prêtre du Christ qui domine.

Je fus à cette occasion frappé d’une triste vérité : c’est que l’opinion publique, si bienfaisante quand elle protège, est, lorsqu’elle persécute, le plus cruel de tous les tyrans.

Cette opinion publique, toute puissante aux États-Unis veut l’oppression d’une race détestée, et rien n’entrave sa haine.

En général, il appartient à la sagesse des législateurs de corriger les mœurs par les lois, qui sont elles-mêmes corrigées par les mœurs. Cette puissance modératrice n’existe point dans le gouvernement américain. Le peuple qui hait les nègres est celui qui fait les lois ; c’est lui qui nomme ses magistrats, et, pour lui être agréable, tout fonctionnaire doit s’associer à ses passions. La souveraineté populaire est irrésistible dans ses impulsions ; ses moindres désirs sont des commandements ; elle ne redresse pas ses agents indociles, elle les brise. C’est donc le peuple avec ses passions qui gouverne ; la race noire subit en Amérique la souveraineté de la haine et du mépris.

Je retrouvais partout ces tyrannies de la volonté populaire.

Ah ! c’est une étrange et cruelle destinée que celle d’une population entière implantée dans un monde qui la repousse !

L’aversion et le mépris dont elle est l’objet se reproduisent sous mille formes. J’ai vu toute une famille de nègres menacée de mourir de faim pour une dette d’un dollar. Aux États-Unis, la loi donne au créancier le droit d’emprisonner son