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tous ces restes misérables sont bientôt empreints de la teinte uniforme que donne la terre à ses hôtes ; la même surface les recouvre, pesante ou légère ; des vers pareils leur dévorent le cœur ; le même oubli ronge leur mémoire.

Mais ce qui me jeta dans un long étonnement, ce fut de trouver cette séparation des blancs et des nègres dans les édifices religieux. Qui le croirait ? des rangs et des priviléges dans les églises chrétiennes ! Tantôt les noirs sont relégués dans un coin obscur du temple ; tantôt ils en sont complétement exclus. Jugez quel serait le déplaisir d’une société choisie, s’il fallait qu’elle se mêlât à des êtres grossiers et mal vêtus. La réunion au temple saint est le seul divertissement qu’autorise le dimanche. Pour la société américaine, l’église, c’est la promenade, le concert, le bal, le théâtre ; les femmes s’y montrent élégamment parées. Le temple protestant est un salon où l’on prie Dieu. Les Américains souffriraient d’y rencontrer des êtres de basse condition ; ne serait-il pas fâcheux aussi que l’aspect hideux d’un visage noir vînt ternir l’éclat d’une brillante assemblée ? Dans une congrégation de bonne compagnie, le plus grand nombre sera nécessairement d’avis qu’on ferme la porte aux gens de couleur : la majorité le voulant ainsi, rien ne saurait l’empêcher.

Les églises catholiques sont les seules qui n’admettent ni priviléges ni exclusions ? la population noire y trouve accès comme les blancs. Cette tolérance du catholicisme et cette police rigoureuse des temples protestants, ne tiennent pas à une cause accidentelle, mais à la nature même des deux cultes.

Le ministre d’une communion protestante doit son office à l’élection, et, pour garder sa place, il lui faut conserver la faveur du plus grand nombre de ses commettants ; sa dépendance est donc complète, et il est condamné, sous peine de disgrâce, à ménager les préjugés et les passions qu’il devrait combattre sans pitié.

Au contraire, le prêtre catholique est maître absolu dans son église ; il ne relève que de son évêque, qui ne reconnaît lui-même d’autre autorité que celle du pape. *

[Note de l’auteur. * Réf. ]

Chef d’une assemblée dont il ne dépend pas, il s’inquiète peu de lui déplaire en blâmant ses erreurs et ses vices ; il dirige sa congrégation