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mais qu’ils y prennent garde, il leur manquera bientôt une branche d’industrie ; bientôt ils perdront le privilège de vendre et d’acheter des hommes : la terre d’Amérique ne doit pas longtemps porter des esclaves.

nelson.

Oui, je le reconnais avec joie, l’esclavage décroît chaque jour ; et sa disparition entière sera l’œuvre du temps.

georges.

Et si les esclaves se fatiguaient d’attendre ?

nelson.

Malheur à eux ! S’ils ont recours à la violence pour devenir libres, ils ne le seront jamais ; leur révolte amènerait leur destruction. Il est vrai que le nombre des noirs dans le Sud surpassera bientôt celui des blancs ; mais tous les États du Centre et du Nord feraient cause commune avec les Américains du Midi, pour exterminer des esclaves rebelles… Tout appel à la force les perdrait : qu’ils aient plus de foi dans les progrès de la raison.

Déjà, dans le Nord, l’esclavage est aboli ; et les États méridionaux entendent murmurer des mots de liberté. Naguère, un prompt supplice eût étouffé la voix assez hardie pour réclamer dans le Sud, l’indépendance des nègres ; aujourd’hui, cette question s’agite, en Virginie, au sein même de la législature. Il semble que, chaque année, les idées de liberté universelle franchissent un degré de latitude ; le vent du nord les pousse impétueusement. En ce moment, elles traversent le Maryland : c’est la Nouvelle-Angleterre, ma patrie, qui répand dans toute l’Union ses lumières, ses mœurs et sa civilisation.

ludovic.

Il y a tant de puissance dans un principe de morale éternelle !

georges.

Et surtout dans l’intérêt… Savez-vous pourquoi les Américains sont tentés d’abolir la servitude ? c’est qu’ils commencent à penser que l’esclavage nuit à l’industrie.

Ils voient pauvres les États à esclaves, et riches ceux qui n’en ont pas ; et ils condamnent l’esclavage.

Ils se disent : L’ouvrier libre, travaillant pour lui, travaille