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frère à la sœur, n’ont pour lui ni sens ni moralité ; et il ne se marie point, parce qu’étant la chose d’autrui, il ne peut se donner à personne.

ludovic.

Mais comment la nation américaine, éclairée et religieuse, ne repousse-t-elle pas avec horreur une institution qui blesse les lois de la nature, de la morale et de l’humanité ? Tous les hommes ne sont-ils pas égaux ?

nelson.

Nul peuple n’est plus attaché que nous ne le sommes au principe de l’égalité ; mais nous n’admettons point au partage de nos droits une race inférieure à la nôtre.

À ces mots, je vis la rougeur monter au front de Georges, et ses lèvres tremblantes prêtes à laisser partir un cri d’indignation ; mais il fit un effort puissant, et contint sa colère.

Je répondis à Nelson : — On croit, aux États-Unis, que les noirs sont inférieurs aux blancs ; est-ce parce que les blancs se montrent, en général, plus intelligents que les nègres ? Mais comment comparer une espèce d’hommes élevés dans l’esclavage, et qui se transmettent de génération en génération l’abrutissement et la misère, à des peuples qui comptent quinze siècles de civilisation non interrompue ; chez lesquels l’éducation s’empare de l’enfant au berceau, et développe en lui toutes les facultés naturelles ? Nous n’avons point, en Europe, les préjugés de l’Amérique, et nous croyons que tous les hommes ne forment qu’une même famille, dont tous les membres sont égaux.

nelson.

Sans doute, l’esclavage offense la morale et la loi de Dieu ! cependant, ne jugez pas trop sévèrement le peuple américain : la Grèce eut ses ilotes ; Rome, ses esclaves ; le moyen âge, les serfs ; de nos jours, on a des nègres ; et ces nègres, dont le cerveau est naturellement étroit, attachent peu de prix à la liberté ; pour la plupart, l’affranchissement est un don funeste. Interrogez-les, tous vous diront qu’esclaves ils étaient plus heureux que libres. Abandonnés à leurs propres force, ils ne savent pas soutenir leur existence : et il meurt dans nos villes moitié plus d’affranchis que d’esclaves *.