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cette forêt ne te dit-il pas les sentiments que tout à l’heure je confiais au désert ?

— Plût au ciel, dit Marie, que je n’eusse point entendu ces révélations solitaires ! Ludovic, pendant votre sommeil, votre voix murmurait des paroles enchantées, qui mettent le comble à mon infortune. Hélas !…

Elle n’acheva pas. Je voyais se presser les battements de son cœur ; et ses yeux chargés de larmes s’efforçaient de ne pas pleurer.

— Quel est donc ce mystère ? m’écriai-je avec force ; Marie, je t’en supplie, ouvre-moi ton âme, que je sache ton infortune comme tu sais mon amour ! chacune de tes plaintes viendra s’éteindre dans mon cœur. La douleur n’est point semblable au bruit qui s’accroît en retentissant ; elle cesse quand elle trouve de l’écho… Ma bien-aimée ! laisse ta tête se pencher vers la mienne, appuie sur moi ta faiblesse ; le parfum des plus douces fleurs est moins suave que le mélange de deux souffles amis, et tu ne sais pas tout ce que donne de force l’union de deux poitrines qui respirent ensemble… Va, quelle que puisse être ta destinée, tu ne seras pas aussi heureuse de ma protection que je serai fier de ton amour… Marie ! sois mon amie ! sois mon épouse chérie ! Si, sur cette terre dévouée aux orages, tu dois être courbée par l’ouragan, tu trouveras du moins un abri où reposer ta tête ; tes larmes les plus amères s’adouciront en se mêlant à celles d’un ami ; et si, des flancs d’un nuage sombre, la foudre sortait pour nous frapper tous deux, étroitement enlacés, cœur contre cœur, il nous serait doux encore de mourir ensemble et de rendre dans les bras l’un de l’autre un dernier soupir de vie et de volupté.

Ainsi je disais ; Marie gardait le silence ; cependant nous marchions et nous approchions de Baltimore, hélas ! trop rapidement. Oh ! comme alors j’aurais béni le ciel s’il nous eût égarés dans notre route ! quelle ivresse dans tout mon être ! quel délire au fond de mon cœur !

Ce long entretien de mes passions avec la solitude ; ces secrets d’amour confiés au désert, et surpris au sommeil ; tant de bonheur succédant au péril ; Marie, ma libératrice, mon guide, ma compagne ; nos voix unies, nos bras entrelacés, notre marche dans le silence du soir ; et à la fin du jour la