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de la mienne ; une fois il me dit : Vous jugez notre culte, et vous ne le connaissez pas ; venez au temple des presbytériens. Je consentis à sa proposition, et, le dimanche suivant, j’accompagnai Nelson et ses enfants à leur église, où je pris place dans leur banc. Je pus suivre l’office exactement, grâce aux soins de Marie, qui m’avait prêté un livre saint, et ne manquait pas, quand une prière finissait, de m’indiquer celle qui allait suivre.

L’impression de ce culte, nouveau pour moi, fut profonde. Dans nos églises catholiques, il semble que nous ayons toujours, pour intermédiaire de la prière entre Dieu et nous, le prêtre saint, sa parole mystérieuse, la pompe de la cérémonie, l’encens qui monte de l’autel, les chants sacrés et toute la solennité du lieu. L’œil rencontre toujours au fond du sanctuaire une gloire rayonnante qui éblouit…

Dans le simple édifice qui sert de temple aux protestants, l’homme se trouve immédiatement en rapport avec Dieu ; il lui parle à lui-même, sans langage consacré, sans rit solennel. Le ministre, sa parole, son costume, ne sont rien ; il n’a point de caractère supérieur à ce qui l’entoure.

Le temple ne contient que des intelligences égales, s’adressant à l’intelligence suprême.

Le catholique se prosterne et s’humilie : il adore Dieu à travers des mystères et des nuages… Le protestant prie le front haut, l’œil levé vers le ciel ; il regarde Dieu en face ; c’est un beau culte… mais c’est un culte orgueilleux ! L’homme est-il assez fort pour se mesurer de si près avec la divinité ? Est-il assez grand pour supporter l’approche de tant de grandeur ? Peut-on adorer ce qu’on comprend ?

En revenant de l’église presbytérienne, je sentais mon âme troublée, et des passions tumultueuses s’élevaient dans mon sein. Nelson m’interrogea, je lui dis : Votre religion me semble digne d’un être intelligent et libre : cependant l’homme est aussi un être sensible, qui a besoin d’aimer, et ce culte n’a point touché mon cœur.

Nelson ne fit aucune réponse.

— Hélas ! s’écria Marie, faut-il désirer dans ce monde ce qui prépare l’âme aux tendres affections ! — Elle n’acheva pas.

Les réticences de Marie, le vague de ses paroles, me tour-