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C’est l’intérêt et non la moralité qui rend les Américains amis de l’ordre ; ils poursuivent gravement la fortune.

Ils ne sont pas vertueux, ils ne sont que rangés ; la société des États-Unis refroidit l’enthousiasme sans inspirer le respect.

Peu séduit de ce premier aperçu, je m’éloignai du monde et de ses fêtes ; je résolus d’approfondir, dans la retraite, les mœurs et les institutions d’un peuple dont les salons ne me montraient que la superficie ; fatigué de mouvement et du bruit, j’aspirai à l’isolement et me sentis attiré vers Nelson par l’austérité même de mœurs qui m’avait éloigné de lui.

À l’instant où mes réflexions sur l’Amérique me jetaient dans l’abattement, en me prouvant une déception nouvelle, et comme je voyais fuir encore devant moi le but auquel j’avais rattaché mes dernières espérances, une passion, dont je ne soupçonnais point la puissance, vint s’emparer de mon âme.

Je n’avais jamais aimé en Europe, et, après avoir vu les femmes d’Amérique, je ne redoutais plus le joug d’un sentiment que j’avais toujours regardé comme une faiblesse et comme un obstacle aux grands desseins. Cependant un tendre penchant était destiné à renouer les liens de mon existence brisée, et allait devenir l’unique intérêt de ma vie.



MARIE.

« Depuis mon arrivée à Baltimore, je voyais chaque jour la fille de Nelson ; mais je ne la connaissais pas. Témoin de sa beauté, je ne savais rien de son cœur ; à peine avais-je entendu sa voix. Elle me montrait une froideur qui me paraissait dépasser la retenue de son sexe ; cependant je ne pouvais m’en offenser, la voyant également indifférente au monde et à ses fêtes. Douée de cet enchantement des charmes extérieurs qui assure aux femmes tant d’empire, elle n’en essayait