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tombeaux ? Que demander aux ruines d’Athènes et de Lacédémone ?

Des cris de désespoir ? — Byron, génie infernal, les exhala dans un céleste langage.

Des soupirs religieux ? — Un pieux pèlerin les a recueillis, et l’univers écoute encore dans une sainte émotion la voix du chantre divin d’Eudore et de Cymodocée.

Alors, sans pensée, sans intérêt, sans but, je pris ma course au hasard… La nature offrit à mes yeux deux grandes choses : l’Océan et les montagnes. L’art eut aussi sa merveille à me montrer : il me conduisit devant Saint-Pierre de Rome.

En présence de ces magnifiques créations, j’éprouvais de sublimes extases. Je ne sais pourquoi je n’ai jamais regardé la mer sans fondre en larmes : y a-t-il dans cette image de l’immensité quelque chose qui confonde la misère de l’homme ? Cette grande scène, où s’agitent les tempêtes, où se consomment les naufrages, figure-t-elle à nos yeux l’écueil où l’âme se brise, et l’abîme où se perd la pensée ?

Les montagnes causent une impression plus grave ; leur front superbe, en aspirant au ciel, imprime à l’âme une impulsion religieuse ; elles sont comme le marche-pied donné à l’homme pour monter vers Dieu. Oh ! que la Divinité aurait un magnifique autel, si la basilique de Saint-Pierre couronnait la cime du Mont-Blanc !

Mon pèlerinage ne fut pas de longue durée… L’Europe ennuie le voyageur parce qu’on y voyage depuis deux mille ans.

En vain je visitais les sites les plus pittoresques, les retraites les plus sauvages, les palais les plus merveilleux… je ne faisais que passer là où mille autres avaient passé avant moi. Pas une terre qui n’ait été foulée aux pieds ; pas une beauté de la nature qui n’ait été analysée ; pas un chef-d’œuvre de l’art qui n’ait excité des admirations. Le voyageur de nos jours n’a plus rien à faire, ni rien à penser ; ses opinions, comme ses sentiments, lui sont annoncées d’avance ; il faut qu’il pleure ici ; que, plus loin, il soit saisi d’enthousiasme ; il passe ainsi par la voie qu’ont suivie ses devanciers, à travers une multitude de vieilles impressions et d’émotions de commande.