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son comble. Les portes et les fenêtres sont arrachées, brisées, démolies, aux applaudissements des spectateurs ; tout ce qui se trouve dans l’intérieur de l’église est saisi et jeté dans la rue. Bientôt les maisons adjacentes et occupées par des gens de couleur sont attaquées ; on en brise les fenêtres, on en force les portes, on en démolit les murs ; les meubles sont saccagés, pillés, brûlés ; dans plusieurs quartiers de la ville, les mêmes actes de violences se reproduisent.

D’autres églises sont profanées ; tout ce qui appartient aux gens de couleur est frappé d’anathème. Leurs personnes ne sont pas plus respectées que leurs propriétés : partout où un homme de couleur paraît, il est aussitôt assailli. Cependant comme tous étaient frappés de terreur, tous se cachaient. Alors la populace, ingénieuse dans sa stupide fureur, exige de tous les habitants qu’ils illuminent leurs maisons. Ceux-ci sont donc forcés de se montrer. Obéissant à l’injonction du peuple, une négresse paraît à sa fenêtre, afin d’éclairer sa demeure. Alors une grêle de pierres tombe sur elle. Plusieurs familles de couleur, craignant le même sort, n’illuminent pas ; mais le peuple en conclut qu’il y a là des nègres : il attaque les maisons et les démolit[1].

Il est juste de le dire, en présence de ce vandalisme impie, l’immense majorité des Américains, et ceux même qui la veille sympathisaient avec les destructeurs, furent saisis de dégoût et d’horreur. Tous ceux qui dans la cité ont des intérêts à conserver éprouvèrent un sentiment d’effroi. Il se fit dans l’esprit public une réaction générale, non en faveur des nègres, mais contre leurs oppresseurs. Chacun comprit le danger de laisser plus long-temps maîtresse de la ville une populace factieuse et sacrilége. On savait que les insurgés se proposaient de continuer le jour suivant leurs actes de violence et de détruire de fond en comble les églises et les écoles publiques des noirs. Le maire de la ville donna les ordres les plus rigoureux à la milice. La presse fit entendre aux rebelles un langage impitoyable : « Que ceux qui montreront le moindre penchant à la sédition soient tués comme des chiens. » disait un journal le 11 juillet (the Evening-Post). La milice marcha pleine d’ardeur contre les insurgés. Aussitôt la sédition fut vaincue pour ne plus relever sa tête. Le jour suivant, le maire de la ville rendit compte de ses actes au conseil de la cité. Il avoua que, jusqu’au dernier jour

  1. New-York American, 12 juillet 1834.