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grande foule s’était également réunie aux environs de la chapelle de Chatam ; mais elle s’était dispersée tranquillement sur l’assurance donnée par les propriétaires de cet édifice, que jamais on n’y admettrait de réunions ayant pour objet l’abolition de l’esclavage. À minuit tout était rentré dans l’ordre : mais des troubles plus graves étaient annoncés pour le lendemain, 11 juillet.

Il paraît bien constant que si, pendant la journée du 10 et le 11 au matin, l’autorité, eût pris des mesures énergiques, le mouvement séditieux qui se manifestait n’aurait point eu de suite. Il suffisait d’ordonner à la milice de repousser la force et de faire usage contre les insurgés de toutes ses armes, sans aucune exception.

Un journal, qui paraissait être en ce moment l’organe du parti de l’ordre, écrivait le 10 au soir :

« Il est nécessaire qu’un tel état de choses cesse. On ne saurait tolérer qu’une société policée comme la nôtre soit chaque nuit troublée par des rassemblements illégaux et séditieux, quelle que soit d’ailleurs la cause qui les provoque. Si l’autorité civile, est impuissante pour réprimer de pareils excès, il faut recourir à la force militaire ; et si la force armée est mise en réquisition, il faut qu’elle agisse. Le vain simulacre de soldats en parade, qui se montrent sans rien faire, ne sert qu’à aggraver le mal. Nous le déclarons donc sans hésiter si la nécessité exige qu’on requière la force militaire, et que, sur les sommations de l’autorité civile, la populace ne se disperse pas à l’instant même, il faut tirer sur elle (they should be fired upon)[1]. »

Cependant le parti de ceux qui réclamaient l’emploi de ces moyens énergiques de répression n’était pas le plus fort ni le plus nombreux. S’il s’était agi d’un mouvement purement politique, on aurait vu aussitôt la majorité s’armer de toute sa puissance pour écraser les attaques ou les résistances de la minorité. Mais, dans cette circonstance, les habitants de New-York étaient partagés entre deux impressions contraires. Des habitudes régulières, des idées de légalité et des besoins de paix leur faisaient sentir la nécessité d’arrêter la sédition. Et cependant le sort des victimes n’excitait pas leur intérêt. À vrai dire, la majorité s’associait du fond de l’âme aux violences du petit nombre ; et cependant par respect pour les principes, par amour de l’ordre

  1. New-York American, 11 juillet 1834.