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Le même jour une réunion de gens de couleur se tient dans Chatam Chapel, et l’on y prononce des discours dont l’égalité des blancs et des nègres, et l’abolition de l’esclavage dans toute l’Union, forment le texte. Par un hasard malheureux, les membres de la société de musique sacrée, qui avaient coutume de se réunir dans le même local, veulent l’occuper à l’instant où l’assemblée africaine était en séance. De là naît un conflit fâcheux qui se termine promptement, mais ajoute encore à l’irritation des deux partis. En même temps, on fait circuler dans le public un pamphlet contre l’esclavage ; et en tête de ce pamphlet se voit une petite gravure représentant un marchand de nègres qui arrache un esclave à sa femme et à ses enfants, et le fait marcher devant lui à coups de fouet : rien n’est négligé pour exciter l’indignation des nègres et le zèle de leurs amis. Une nouvelle réunion dans Chatam-Chapel est annoncée pour le surlendemain, 9 juillet ; ou doit y plaider la cause de la race noire ; les blancs partisans des nègres sont engagés à s’y rendre.

Alors commence à se manifester un sentiment très-vif d’irritation dans l’opinion publique. La presse se montre unanimement hostile envers les gens de couleur, et raille amèrement les blancs qui méconnaissent leur dignité au point de se commettre dans la société de misérables nègres. Les journaux appellent les nègres the coloured gentlemen, et les négresses the ladies of colour ; ils accablent de leurs sarcasmes le blanc philantrope qui a publié son projet de mariage avec une femme de couleur. Tandis que la réunion de Chatam-Chapel se prépare, une opposition puissante s’organise, et tout annonce qu’à l’occasion de cette assemblée, une collision fâcheuse s’engagera. Il est à remarquer qu’au moment où ces faits se passaient, la chaleur était excessive à New-York. Les 9, 10 et 11 juillet ont été, en Amérique, les jours les plus chauds de l’année 1834. Les degrés de la température ne sont pas étrangers aux mouvements populaires[1].

Au jour marqué (le 9 juillet) une grande foule environne la chapelle de Chatam ; mais la police, prévoyant une lutte, avait défendu la réunion, qui n’a pas lieu. Cependant il se trouvait dans cette roule un certain nombre d’individus que l’espoir d’un désordre avait seul attirés, et qui ne pouvaient se retirer sans avoir rien fait de mal. C’était l’heure du spectacle : on apprend en ce moment

  1. Un journal américain rapporte les noms d’une multitude de personnes mortes de chaleur durant la journée du 10 juillet.