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a été ressentie non-seulement par les nègres, mais encore par leurs partisans de couleur blanche. Ceux-ci, au lieu de contenir l’élan de la population noire, l’ont encouragé, et n’ont pas compris que leurs efforts en faveur de la race noire, supportés par les Américains quand ils se réduisaient à de vaines paroles, exciteraient les passions les plus violentes, dès qu’ils prendraient un caractère de réalisation possible. Témoins de ce mouvement, qui n’était encore que moral et intellectuel, les Américains ont senti la nécessité de l’étouffer à sa naissance ; et un grand nombre, qui jusqu’alors avaient entendu patiemment les théories des abolitionistes sur l’égalité des noirs, ont passé tout-à-coup de la tolérance à l’hostilité.

Quelques succès des nègres et de leurs partisans sont venus envenimer encore cette disposition ennemie.

Les mariages communs sont à coup sûr le meilleur, sinon l’unique moyen de fusion entre la race blanche et la race noire. Ils sont aussi l’indice le plus manifeste d’égalité ; par cette double raison, les unions de cette sorte irritent plus que toute autre chose la susceptibilité des Américains.

Vers le commencement de l’année 1834, un ministre du culte, le révérend docteur Beriah-Green, ayant célébré à Utica le mariage d’un nègre avec une jeune fille de couleur blanche, il y eut dans la ville une sorte de soulèvement populaire, à la suite duquel le révérend fut pendu par effigie sur la voie publique[1].

Peu de temps après, des ministres presbytériens et méthodistes marièrent, à New-York même, des blancs avec des gens de couleur. Cette victoire remportée sur les préjugés encourage les nègres, et irrite vivement leurs ennemis.

Le mois de juillet 1834 arrive : les Américains célèbrent l’anniversaire de la déclaration de leur indépendance. C’est toujours pour eux l’occasion de longs discours sur la liberté et sur les droits imprescriptibles de l’homme. Les nègres entendent quelque chose de ces déclamations, et leurs partisans ne manquent pas, dans cette circonstance, de leur rappeler que les gens de la race noire ont une liberté aussi sacrée, et des droits aussi inviolables que les hommes blancs.

Le 7 juillet, un Américain, ami des nègres, publie dans un journal une lettre où il annonce, qu’en dépit d’un préjugé qu’il méprise, il se propose d’épouser une jeune fille de couleur[2].

  1. V. National Intelligencer, du 4 février 1834.
  2. New-York, Commercial advertiser, 7 juillet 1834.