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de l’herbe et de l’eau ; où la terre est la seule chose sur laquelle on puisse vivre ; où il faut que chacun soit son propre tailleur, charpentier, etc. ; où tout le savoir-faire de la vie consiste à planter du maïs et des pommes-de-terre, et où l’excès du luxe est d’en faire un pudding ; où la vue d’un miroir est chose si rare qu’elle met en mouvement la population d’une province, etc. » Suivent beaucoup d’autres observations du même genre. (V. Daily commercial gazette, Boston, 28 septembre 1831.) Tous les jours on lit de semblables invectives dans les feuilles anglaises ; l’irritation qu’elles excitent dans l’esprit des Américains est assez naturelle, et leur ressentiment est en proportion exacte de l’injustice des Anglais à leur égard.

Une autre cause amène encore un effet semblable. Les Anglais qui voyagent en Amérique y sont parfaitement accueillis par trois raisons : la première est que les Américains sont naturellement hospitaliers pour des étrangers qui parlent leur langue ; 2º quoique jaloux de l’Angleterre, ils éprouvent un véritable plaisir à recevoir individuellement chaque Anglais qui vient les visiter, et dans lequel ils ne voient plus qu’un membre de la nation dont ils sont descendus ; 3º enfin ils désirent être jugés favorablement, eux et leur pays, par les Anglais, précisément parce qu’ils sont leurs rivaux ; ils s’efforcent donc d’être polis, pour leur prouver que l’Amérique n’est pas sauvage ; et comme ils croient de très-bonne foi avoir dans leur pays de fort belles choses à montrer, ils se mettent en devoir d’étaler aux yeux de l’insulaire britannique toutes les richesses morales et matérielles des États-Unis.

Cependant, plein de ses préjugés nationaux et pouvant d’ailleurs, sans partialité, trouver l’Amérique inférieure à son pays, l’Anglais, de retour dans sa patrie, écrit son voyage transatlantique, lequel n’est autre qu’une satire continue en un ou deux volumes ; quelquefois il ne respecte pas même les noms propres, et livre à la risée de ses concitoyens les dignes étrangers dont il a reçu l’hospitalité. Les plus réservés dans leur style sont encore injustes et blessants. L’ouvrage publié en Angleterre arrive bientôt aux États-Unis, où son apparition est un coup de foudre pour les vanités américaines.

La rivalité, qui existe entre les Américains et les Anglais n’est pas seulement industrielle et commerciale. Ces deux peuples ont une langue qui leur est commune, et chacun a la prétention de la mieux parler que l’autre. Je crois que tous les deux ont raison. En Angleterre, la classe supérieure possède une délicatesse de