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présence de laquelle on est en quelque sorte obligé de mieux vivre. Il n’y a qu’au sein d’une société fixe et paisible que peut régner le respect pour les restes des morts. Les Indiens de nos jours y sont devenus presque étrangers ; beaucoup d’entre eux ont été contraints de fuir le pays qui contenait les os de leurs aïeux et de changer les coutumes que ces derniers leur avaient léguées. Concentrés dans la nécessité du présent et les craintes de l’avenir, le passé et ses souvenirs ont perdu sur eux toute leur puissance. La même cause agit sur les peuplades qui n’ont pas encore quitté leur pays. L’Indien n’a d’ordinaire pour témoin de ses derniers moments que sa famille ; souvent il meurt seul, il succombe loin du village, au milieu des déserts où il lui a fallu s’enfoncer pour rencontrer sa proie. On jette à la hâte quelque peu de terre sur sa dépouille, et chacun s’éloigne sans perdre de temps, afin de trouver les moyens de soutenir une vie toujours précaire.

On a pu voir, dans les citations que j’ai faites précédemment de John Smith, de Lawson et de Beverley, avec quelle bienveillance les Indiens, il y a deux cents ans, recevaient les étrangers, avec quelle charité ils se secouraient les uns les autres.

Ces usages hospitaliers, ces douces vertus tenaient au genre de vie que menaient les sauvages, et on en retrouve encore la trace de nos jours : il est rare qu’un Indien ferme l’entrée de sa hutte à celui qui demande un abri, et refuse de partager ses faibles ressources avec un plus misérable que lui. Tanner raconte, page 45, qu’étant près de périr de besoin, lui et sa famille, il rencontra un Indien qu’il ne connaissait pas et qui appartenait à une race étrangère. Celui-ci reçut Tanner dans sa cabane et lui fournit tout ce dont il avait besoin. Telle est encore, ajoute Tanner, la coutume des Indiens qui vivent éloignés des blancs. Dans une autre circonstance, une famille ayant perdu son chef, tous les Indiens s’offrirent à aller à la chasse afin de pourvoir à ses besoins. Plus loin, Tanner raconte encore qu’étant parvenu à une très-grande distance des Européens, il fit un dépôt de ses fourrures et le laissa dans un lieu où il comptait revenir. « Si les Indiens qui vivent dans cette région éloignée, dit-il, avaient vu ce dépôt, ils ne s’en seraient pas emparés ; les peaux n’ont pas encore