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d’Europe. Les liqueurs fermentées lui offrent une source de jouissances inconnues, singulièrement appropriées à sa nature grossière. On lui offre des armes meurtrières dont on lui enseigne bientôt à se servir ; et comme sa vie errante et ses habitudes de chasse, les préjugés qui en sont la suite, l’empêchent d’apprendre en même temps à fabriquer ces objets précieux qui lui sont devenus nécessaires, il tombe dans la dépendance des Européens et devient leur tributaire. Mais il est pauvre comme un chasseur : en échange des biens qu’il convoite, il n’a rien à offrir que la peau des bêtes sauvages. Dès lors il faut chasser, non-seulement pour se nourrir, mais pour se procurer ces objets d’un luxe barbare. Le gibier s’épuise, bientôt on ne saurait plus l’atteindre qu’avec des armes à feu ; et il faut le tuer pour pouvoir se procurer ces armes. Le remède augmente le mal ; le mal rend le remède plus difficile à trouver. « On ne peut plus s’emparer de l’ours, du chevreuil ou du castor, disent MM. Clark et Cass, page 24, qu’avec des fusils. » Peu à peu les ressources du sauvage diminuent ; ses besoins augmentent. Des misères inconnues à ses pères l’assiégent alors de toutes parts ; pour s’y soustraire, il fuit ou meurt. Comme il n’a jamais tenu au sol, qu’il n’a laissé dans le pays qu’il habitait aucun monument durable de son existence, sa trace se perd en quelques années : à peine son nom lui survit-il ; c’est comme s’il n’avait jamais été.

Cette destruction était inévitable du moment où les Indiens s’obstinaient à conserver l’état social de chasseurs.

Parmi toutes les tribus sauvages qui couvraient la surface de l’Amérique du Nord, on n’en connaît jusqu’à présent qu’un très-petit nombre qui aient essayé de plier leurs mœurs aux habitudes des peuples cultivateurs, de ceux qui produisent en même temps qu’ils consomment : ce sont les Chikassas, les Chactaws, les Creeks, et surtout les Cherokees. Ces quatre nations occupent le Sud des États-Unis ; elles se trouvent placées entre les États de Géorgie, d’Alabama et de Mississipi. On évaluait en 1830 leur population à 75,000 individus. À l’époque de la guerre de l’indépendance, un certain nombre d’Anglo-Américains du Sud, ayant pris parti pour la mère-patrie, fut obligé de s’expatrier et chercha une retraite chez les Indiens dont je parle. Ces Européens y acquirent