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et qui ne cessa, tant qu’il vécut, de reprocher aux Indiens de s’être rendus les esclaves des Français, dont il affecta de parler avec le plus grand mépris. La seule plainte qui sortit de sa bouche fut lorsque, par compassion, quelqu’un lui donna deux ou trois coups de couteau pour l’achever. Tu aurais bien dû, dit-il, ne pas abréger ma vie ; tu aurais en plus de temps pour apprendre à mourir en homme. » (Charlevoix, vol. III, p. 253.) William Smith raconte presque de la même manière le même événement, p. 201

Lahontan raconte, vol. I, p. 234, qu’en 1692, deux Iroquois ayant été pris par les Français et conduits à Québec, on crut devoir par représailles les condamner au feu. Quelques personnes charitables en ayant été instruites le firent savoir aux deux sauvages et firent jeter un couteau dans la prison. L’un des deux prisonniers se le plongea dans le sein et mourut aussitôt ; quelques jeunes Hurons, étant venus chercher l’autre, le conduisirent près de la ville dans un endroit où on avait eu la précaution de faire un grand amas de bois. Il courut à la mort avec plus d’indifférence, dit toujours Lahontan, témoin oculaire, que Socrate n’aurait fait s’il se fût trouvé en pareil cas. Pendant le supplice, il ne cessa de chanter qu’il était guerrier, brave et intrépide ; que le genre de mort le plus cruel ne pourrait jamais ébranler son courage, qu’il n’y aurait pas de tourment capable de lui arracher un cri ; que son camarade avait été un poltron de s’être tué par la crainte des tourments ; et qu’enfin s’il était brûlé, il avait la consolation d’avoir fait le même traitement à beaucoup de Français et de Hurons. Tout ce qu’il disait était vrai, poursuit Lahontan, surtout à l’égard de son courage, car je puis vous jurer avec toute vérité qu’il ne jeta ni larmes ni soupirs ; au contraire, pendant qu’il souffrait les plus terribles tourments qui durèrent l’espace de trois heures, il ne cessa pas un moment de chanter. »

Ce n’est pas seulement leur férocité et leur courage qui rendaient les Iroquois redoutables à leurs voisins ; ils avaient d’autres causes encore de supériorité. De tous les Indiens qui habitaient l’Amérique du Nord, ces sauvages étaient ceux qui mettaient le plus de suite dans leurs desseins et le plus d’astuce dans leur politique. Nul autre peuple ne possédait au