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Aucune des peuplades de l’Amérique du Nord ne menant une existence sédentaire, toutes ignoraient l’art de donner par l’écriture une forme certaine et durable à la pensée. On ne connaissait point parmi elles ce que nous appelons la loi. Non-seulement elles n’avaient point de législation écrite, mais les rapports des hommes entre eux n’y étaient soumis à aucune règle uniforme et stable, émanée de la volonté législative de la société.

Ces sauvages n’étaient pourtant point aussi barbares qu’on le pourrait croire. Lorsque la souveraineté nationale ne s’exprime pas par les lois, elle s’exerce indirectement par les mœurs. Quand les mœurs sont bien établies, on voit se former une sorte de civilisation au milieu de la barbarie, et la société se fonder parmi des hommes chez lesquels, au premier abord, on eût dit que le lien social n’existait pas.

J’ai déjà indiqué le respect des Indiens pour les étrangers, leur hospitalité, leurs coutumes bienfaisantes. J’ai fait remarquer le culte patriotique qu’ils rendaient aux dépouilles de leurs aïeux. Ce n’était point le seul usage qui liât entre elles les générations en dépit des habitudes errantes et de l’ignorance de ces peuples.

« Les indiens de la Virginie, dit John Smith, p. 35, ont coutume d’élever des espèces d’autels de pierre dans les lieux où quelque grand événement est survenu. Lorsque vous rencontrez quelqu’une de ces pierres, ils ne manquent point de vous raconter à quelle occasion elle a été placée en cet endroit, et ils ont soin de faire passer la connaissance de ces mêmes faits d’âge en âge.

« Lorsqu’un Indien des Carolines vient de mourir, dit Lawson, p. 180, après que l’enterrement a eu lieu, le médecin ou le prêtre commence à faire l’éloge du mort ; ils disent combien il était brave, fort et adroit ; ils racontent quel nombre d’ennemis il a tués ou ramenés captifs ; ils assurent que c’était un grand chasseur, qu’il aimait avec ardeur son pays ; ils passent ensuite à l’énumération de ses richesses ; ils disent combien le mort avait de femmes et d’enfants, quelles étaient ses armes… Après avoir ainsi célébré les louanges de celui qui n’est plus, l’orateur s’adresse à l’assemblée : « C’est à vous, dit-il, de remplacer celui que nous avons perdu en imitant ses