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les frais d’une enquête. Celui qui consulte les annales des tribunaux n’y trouve qu’un très-petit nombre de jugements relatifs à des nègres ; mais qu’il parcoure les campagnes, il entendra les cris de la douleur et de la misère : c’est la seule constatation des sentences rendues contre des esclaves.

Ainsi, pour établir la servitude, il faut non-seulement priver l’homme de tous droits politiques et civils, mais encore le dépouiller de ses droits naturels et fouler aux pieds les principes les plus inviolables.

Un seul droit est conservé à l’esclave, l’exercice de son culte ; c’est que la religion enseigne aux hommes le courage et la résignation. Cependant même sur ce point, la loi de la Caroline du Sud se montre pleine de restrictions prudentes : ainsi les nègres ne peuvent prier Dieu qu’à des heures marquées, et ne sauraient assister aux réunions religieuses des blancs. L’esclave ne doit point entendre la prière des hommes libres. [1]

Quel plus beau témoignage peut-il exister en faveur de la liberté de l’homme que cette impossibilité d’organiser la servitude sans outrager toutes les saintes lois de la morale et de l’humanité ?

§ II

Caractères de l’esclavage aux États-Unis.

Je viens d’exposer les rigueurs mises en usage et les cruautés employées pour fonder et maintenir l’esclavage aux États-Unis. Je pense, du reste, que, dans ces rigueurs et dans ces cruautés, il n’y a rien qui soit spécial à l’esclavage américain. La servitude est partout la même, et entraîne, en quelque lieu qu’on l’établisse, les mêmes iniquités et les mêmes tyrannies.

Ceux qui, en admettant le principe de l’esclavage, prétendent qu’il faut en adoucir le joug, donner à l’esclave un peu de liberté, offrir quelque soulagement à son corps et quelque lumière à son esprit ; ceux-là me paraissent doués de plus

  1. V. lois de la Caroline du Sud, Brevard’s Digest, vº Slaves, § 100.