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la moindre injure verbale envers une personne de couleur blanche[1].

Ces différences ne sont pas des anomalies ; elles sont la conséquence logique du principe de l’esclavage. Chose étrange ! on s’efforce de faire du nègre une brute, et on lui inflige des châtiments plus sévères qu’à l’être le plus intelligent. Il est moins coupable puisqu’il est moins éclairé, et on le punit davantage. Telle est cependant la nécessité : il est manifeste que l’échelle des délits ne peut être la même pour l’esclave et pour l’homme libre.

L’échelle des peines n’est pas moins différente, et, sur ce point, la tâche du législateur est encore plus difficile à remplir.

Non-seulement les gradations pénales établies pour les hommes libres ne doivent point s’appliquer pour les esclaves, parce que la société a plus à craindre de ceux qu’elle opprime que de ceux qu’elle protége ; mais encore on va voir qu’il y a nécessité de changer, pour l’esclavage, la nature même des peines.

Les peines appliquées aux hommes libres par les lois américaines se réduisent à trois : l’amende, l’emprisonnement perpétuel ou temporaire, et la mort : la première qui atteint l’homme dans sa propriété ; la seconde, dans sa liberté ; la troisième, dans sa vie.

On voit, tout d’abord, qu’aucune amende ne peut être prononcée contre l’esclave qui, ne possédant rien, ne peut souffrir aucun dommage dans sa propriété.

L’emprisonnement est aussi, de sa nature, une peine peu appropriée à la condition de l’esclave. Que signifie la privation de la liberté, pour celui qui est en servitude ? Cependant il faut distinguer ici. S’agit-il d’un emprisonnement temporaire et d’une courte durée ? l’esclave redoutera peu ce châtiment ; il n’y verra qu’un changement matériel de position, toujours saisi comme une espérance par celui qui est malheureux : il préférera d’ailleurs l’oisiveté à un travail pénible dont il ne tire aucun profit. À vrai dire, la peine sera pour

  1. Vº Statute laws of Tennessee, vº Slaves, t. I, p. 315, loi de 1806.