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récolte, fait peu de bien, mais il ne saurait faire de mal ; son horizon finit au bout du sillon qu’il trace.

« Quand les vastes passions de Mirabeau s’élancent dans l’arène politique, quelle barrière les arrêtera ? quelle gloire assouvira cette puissance affamée de bruit et de renommée ?

« Quant à l’illustration littéraire que vous avez recherchée, combien peu de génies jouissent, dans les lettres, d’une gloire désirable ? Dites-moi lequel vaut mieux de mourir, ignoré du monde, ou d’avoir écrit ces pages impies où Byron se raille de Dieu et de l’humanité ?

« C’est aussi l’orgueil qui nous égare, quand il nous pousse à chercher dans ce monde un bonheur qui n’existe point ; nous prenons en pitié l’homme que nous voyons se contenter d’un sort modeste ; nous pensons que c’est assez pour lui, mais nous avons pour nous-mêmes de plus vastes désirs…

« Cependant, mon fils, il y a bien peu de différence entre le bonheur d’un homme et celui d’un autre homme !

« Quel être si indigent n’a pas trouvé durant sa vie un peu de pain qui le nourrisse, une femme qui l’aime, un Dieu qui écoute sa prière ? C’est pourtant toute la vie de l’homme.

« Le mal ici-bas vient de ce qu’on veut placer beaucoup de bonheur dans un cœur qui n’en tient que peu…

« Et c’est encore une excitation de l’orgueil qui, jetant l’homme dans des chimères, lui fait mépriser les voies que suit le plus grand nombre pour arriver au bonheur…

« Sans doute le monde contient bien des vices, et il est loin encore de la perfection où le portera la loi du Christ !

« Je sais que, pour une âme ardente, impétueuse, tout, dans la société, est embarras et obstacle ; mais ne vous abusez point, mon ami : ces entraves qui vous gênent, ces chaînes qui vous pèsent, sont commodes et légères à la multitude… la plupart des hommes ne sentent point ces nobles élans qui vous animent, ces transports sublimes de l’enthousiasme ; la condition commune est la médiocrité, et la société fait des lois pour se protéger contre des besoins de gloire qui menacent son repos et des éclairs de génie qui fatiguent ses regards…