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pour combattre en faveur du juste, et rétablir, par sa puissance, l’équilibre que la violence et la méchanceté rompent sans cesse ? Cependant les bons succombent dans la lutte ! ! Tel est le sort Je ces malheureux Indiens, que la cupidité américaine refoule dans ce désert… dans ce désert, asile de tant d’infortunes imméritées, et qui, par un étrange assemblage, réunit dans son sein l’Européen exilé par ses passions, l’Africain que les préjugés de la société ont banni, l’Indien qui fuit devant une civilisation impitoyable ! !

Et moi-même, qu’ai-je donc fait pour être ainsi frappé par les foudres du Ciel ? J’étais bon ! oh ! j’étais plein d’amour pour mes semblables… et j’ai parcouru deux mondes sans pouvoir y trouver un peu de bonheur ! ! partout j’ai vu des heureux qui me faisaient pitié, tant ils étaient pauvres de cœur ! Et moi je n’ai trouvé qu’une fatale destinée, toujours prompte à me bercer de mille illusions, m’offrant tour à tour mille chimères, se riant de ma détresse, jusqu’au jour, où, par un jeu plus cruel, après avoir guidé mes pas dans cette solitude, elle a disparu, me laissant seul sur un tombeau ! ! !

Le désespoir ayant ainsi pénétré dans mon âme, l’idée du suicide s’offrit à moi… et je l’acceptai comme le seul remède à ma misère… Je fis les préparatifs de ma mort avec une sorte d’exaltation morale, comme autrefois je faisais des rêves de bonheur. Je laissai pour Nelson une lettre dans laquelle je le priai de placer mon corps dans le tombeau de Marie, et, la tête pleine d’une résolution fatale, je sortis de la cabane…

« Mon bon maître ! » s’écria Ovasco en me sautant au cou. C’était le soir du quatrième jour écoulé depuis son départ. Le fidèle serviteur arrivait en toute hâte. Un vieillard, affaissé par l’âge, et qu’à son costume je reconnus pour un prêtre, l’accompagnait.

La présence d’Ovasco et de cet étranger me fut importune ; ils gênaient l’exécution du dessein que je venais de former ; et l’âme ne saurait demeurer en suspens sur un pareil projet. Je dis à Ovasco : « Tout est fini ; » et au prêtre : « Votre présence en ce lieu n’est plus nécessaire ! !… » Tous deux me comprirent ; Ovasco se livra aux marques du plus violent chagrin, le vieillard me regarda d’un air pénétrant ; sans