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la vertu, la religion, Dieu lui-même. Je voyais la plus charmante des créatures, la fille la plus vertueuse et la plus innocente, victime d’un odieux préjugé, livrée par le sort de la naissance aux plus cruelles persécutions ; poursuivie de ville en ville ; couverte en tous lieux de honte et de mépris, frappée sans pitié, elle, si bonne et si pure, par une société dénuée d’âme et de grandeur ; et contrainte enfin, pour échapper à ses barbares ennemis, de chercher un refuge dans un affreux désert, où elle meurt ! !… Et Georges ! ! mon frère ! ! ! le seul ami que j’aie possédé ! Georges, le plus généreux des hommes ! méritait-il le sort fatal qui m’avait privé de lui ? Fallait-il qu’il se soumît lâchement à la dégradation qu’on voulait lui imposer ? qu’il courbât son front sous une honteuse tyrannie ? Fallait-il, pour être heureux, qu’il commençât par être vil ?… Ah ! son âme était trop élevée pour descendre aux bassesses de la soumission ! il a repoussé l’humiliation et le mépris, qui pèsent plus sur une grande âme que les chaînes de la servitude ! il s’est révolté contre l’oppression !… Sa cause était celle de la liberté humaine ; c’était la cause de Dieu même, et cependant Dieu n’a point aidé son bras ! Son dévouement est demeuré stérile !

Georges, l’homme magnanime, n’est plus… et ses ignobles tyrans trafiquent tranquillement sur sa tombe.

Etrange destinée du frère et de la sœur ! Celle-ci, faible femme, s’est dérobée aux coups de la tempête ; elle s’est brisée en pliant ; tandis que le premier, pareil au cèdre qui montre sa tête à l’orage, est tombé sous la foudre…

Qu’est-ce donc que cette providence céleste qui veille sur l’univers, et ne préside qu’à des iniquités ?

Le sort même de ces Indiens exilés de leur vieille patrie, et que je voyais réduits à se déchirer entre eux pour se disputer quelques lambeaux du sol américain, fournissait à mon désespoir un nouveau sujet d’imprécation.

Pourquoi cette destruction impie d’une race infortunée ! Les Indiens sont simples et faibles, les Américains habiles et forts. Mais la science ne fait pas l’honnêteté, ni la force le bon droit… D’où vient donc ce triomphe de la ruse sur la franchise, du fort sur le faible ? Si le Dieu créateur de ce monde jette parfois un regard sur son œuvre, n’est-ce pas