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— « La fille de Nelson ! m’écriai-je avec désespoir ! ! elle y repose. » Il vit couler mes larmes. Bientôt Nelson parut. Mohawtan le reconnut sans peine ; les deux amis s’embrassèrent. L’Indien, en pressant sa poitrine sur le cœur de Nelson, y sentit la douleur paternelle ; il jeta un coup-d’œil dans l’intérieur de la cabane, et vit la tâche funèbre que nous venions de remplir.

Cependant une lutte terrible était prête à s’engager entre les Cherokis et les Ottawas. Le meurtre commis par Mohawtan criait vengeance, et c’était pour les Ottawas un bon prétexte de repousser de leur territoire une tribu dont la présence leur était importune. Mohawtan dit : « Voulez-vous prendre parti pour nous ? » — Je ne répondis pas, car j’étais indifférent à toutes choses. Mais Nelson, toujours plein de l’intérêt religieux qui l’avait amené dans ces lieux : « Non, dit-il, je n’épouserai point une injuste querelle. Mohawtan, je suis votre ami ; mais pourquoi serais-je l’ennemi des Ottawas ? Est-ce parce qu’ils défendent leur patrie, ou parce qu’ils ont horreur du sang répandu ?… Ma mission sur la terre est plus noble et plus pure… Si le ciel exauce ma prière et seconde mes efforts, ces menaces de guerre et d’extermination ne s’accompliront pas…

« Un grand devoir m’est imposé, ajouta-t-il en se tournant vers moi ; je dois faire violence à ma douleur… Mon ami, l’occasion de faire le bien est rare ; une bonne action est la plus sûre consolation du malheur… Ma tâche sera facile à remplir, si je puis faire descendre dans l’âme de ces sauvages quelques paroles d’une religion de paix. »

Nelson suivit Mohawtan et les Indiens. Tous se dirigèrent vers un lieu éloigné d’environ trois milles, dans lequel les Cherokis étaient assemblés pour délibérer.

Je ne voulus point suivre Nelson… Je vis bien qu’il y avait dans son âme un instinct secret qui le portait à combattre les coups de la fortune, plutôt qu’à guérir les peines du cœur.

Ainsi, malgré l’arrivée du père de Marie, je fus bientôt seul.

En ce moment, je l’avoue, quand je réfléchis sur les malheurs accumulés sur ma tête et à l’entour de moi, je me pris à douter de tout, excepté de la misère de l’homme… j’accusai