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avec violence, et les chênes de la forêt commençaient à murmurer sur leurs troncs immobiles.

Cependant Marie, ayant repris ses sens, se leva sur son séant : « Ecoute, Ludovic, me dit-elle d’une voix plus ferme et plus assurée… je viens d’avoir un songe… et c’est Dieu, sans doute, qui me l’envoie… avant le retour d’Ovasco, je ne serai plus.

« Le Ciel me donne aussi pour un instant quelque force… Laisse-moi, je t’en conjure, te parler des êtres que j’aime et qui sont loin de moi… Mon père ! Georges ! Hélas ! je suis bien malheureuse ! Je ne recevrai point la bénédiction de mon père le jour de son arrivée parmi nous devait être celui de notre union… Et, quand il viendra, sa pauvre fille !… Ah ! qu’il sache du moins qu’elle est demeurée pure et digne de lui jusqu’à son dernier soupir ! !

« Je voudrais aussi t’entretenir de Georges. D’où vient, Ludovic, que, depuis deux jours, tu ne me parles plus de lui !… Nous ne savons pas quel est son sort… Hélas ! je ne le crois point heureux ! ! Son cœur est si bon, son âme si grande ! Il est resté parmi les méchants qui nous haïssent ! Mon ami, sois indulgent pour ma faiblesse ; mais quand je songe à lui, j’ai des visions de sang… Ce bon frère ! il m’aimait d’une amitié si tendre ! ! C’est le seul être qui m’ait aimée comme toi, Ludovic ;… il savait bien la bonté de ton cœur, mais, mon ami, laisse moi une illusion qui m’est chère ; je crois que l’affection que tu lui inspirais eût été moins vive, s’il n’avait pas su ton amour pour moi… Hélas ! sera-t-il plus heureux que sa pauvre sœur ?… Peut être tu le reverras… Moi, je vais mourir loin de lui… Quand il te parlera de sa chère Marie, dis-lui que nous avons pleuré ensemble en nous souvenant de lui… »

Et la charmante fille arrosait de larmes son lit de douleurs… Je pleurais aussi.

Elle ajouta : « Tu lui donneras ma Bible ; nous avons lu souvent ensemble le livre de Tobie, où il se trouve des consolations et des espérances pour les infortunés… Ses feuillets contiennent quelques fleurs que j’ai cueillies dans la prairie du désert, le jour où je fis un si charmant rêve de bonheur. L’odeur voluptueuse dont elles étaient empreintes