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Marie et moi, sans nous prévenir l’un l’autre, et comme par un mouvement simultané d’enthousiasme sympathique.

Tandis qu’Onitou et Ovasco conduisaient nos chevaux à une fontaine voisine, bien connue de l’Indien, Marie s’assit près de moi sous les rameaux d’un alcée. Nous étions adossés à la forêt, et la prairie qui s’étendait devant nous déroulait à nos yeux toute sa magnificence.

Qu’une belle femme, vive, ardente, passionnée, vous apparaisse tout-à-coup pendant une rêverie d’amour ; l’accord charmant de ses traits, la douce mélodie de sa voix, le concert plus doux encore des grâces dont elle est ornée, l’enchantement qui s’exhalent de son souffle embaumé, de sa chevelure flottante, de son brûlant regard ; tout en elle est harmonie, parfum, volupté.

Telle parut à mes yeux la prairie sauvage.

Sur un fond de verdure nuancé de mille couleurs, une multitude d’insectes aux ailes de pourpre et d’or, de papillons diaprés, d’oiseaux-mouches au corsage de rubis, de topaze et d’émeraude, se croisaient en tous sens, rasaient la prairie, s’entremêlaient aux fleurs, tantôt posés sur une faible tige, tantôt élancés d’un calice odorant ; les uns, faibles créatures d’un jour ; les autres comptant déjà des années de bonheur, tous pleins de vie et d’amour ; ici fuyant pour mieux s’attirer ; là volant entrelacés, et s’aimant encore au plus haut des cieux, comme pour porter à Dieu le témoignage de leurs joies ; une atmosphère énervante par sa douceur, toute parsemée de corps étincelants qui figuraient aux yeux des myriades de fleurs et de pierreries voltigeant dans les airs.

Telle était la scène qui s’offrait aux regards. De tous côtés arrivaient les doux gazouillements, les tendres soupirs, les gémissements heureux. Il semblait que tout, dans ce lieu fortuné, prît une voix pour se réjouir. Le moindre vermisseau bruissait un plaisir ; chaque rameau de la forêt rendait un écho de bonheur ; chaque brise de l’air apportait un accent d’amour.

Au milieu de cette magie de la nature sauvage, enivré du souffle de Marie qui respirait sur mon cœur, et du parfum de sa chevelure sur laquelle j’étais penché, saisi du charme irrésistible de cette solitude, où tout existait pour aimer, je