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ébranlement général. Quelques nuits de sommeil paisible lui rendirent toutes les forces perdues. Alors nous songeâmes à partir ; mais il se présenta un obstacle que nous étions bien loin de prévoir.

Nous avions pensé qu’en prenant à Détroit une petite barque, il nous serait facile de gagner par eau Saginaw. Lors de notre arrivée, nous avions vu dans le port une foule de schooners, de sloops et de canots, qui, nous disait-on, étaient toujours prêts à remonter le fleuve pour aller à la baie Verte, à Saginaw, au saut Sainte-Marie. Mais lorsque notre départ étant résolu, je songeai à faire un choix parmi les embarcations, mon étonnement fut extrême de n’en pas voir une seule dans le port. Leur absence tenait à un événement qui me fut raconté de la manière suivante :

« Tous les ans, à la même époque, les Indiens arrivent des contrées les plus lointaines, sur la frontière du Canada, pour y recevoir des armes, des munitions, des vêtements que leur donnent les Anglais. Cette distribution gratuite, imaginée par une politique perfide, * se fait à une petite distance de Détroit ; ** les tribus sauvages qui vivent aux environs du lac Supérieur, de la baie Verte et de Saginaw, étaient accourues cette année, selon leur coutume ; elles venaient de repartir, et un grand nombre, qui avaient descendu le fleuve dans leurs canots d’écorce, avaient pris, pour en remonter le rapide courant, toutes les barques à voile qu’ils avaient pu trouver. »

[Note de l’auteur. * et ** Réf. ]

Cette circonstance nous jeta dans un grand embarras. Attendre le retour des bateliers, qui ne pouvaient être revenus qu’après plusieurs jours d’absence, dépassait notre courage ; dans notre impatience d’arriver au but tant désiré, tout retard nous était odieux. Nous étions plongés dans la perplexité la plus cruelle, lorsqu’on nous apprit qu’il existait un moyen d’aller par terre à Saginaw. « En prenant cette voie, nous dit-on, vous aurez une distance deux fois moins longue à parcourir. La route est, à la vérité, peu fréquentée… Quelques obstacles pourront s’offrir, mais faciles à surmonter. » Je crus ces paroles ; j’ignorais alors qu’il n’est pas d’entreprises si téméraires dont s’effraie un Américain ; je ne savais