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sous les armes ne pouvait être, à la vérité, qu’une démonstration vaine, s’il ne leur était permis de briser par la force toutes les résistances ; mais il y a des cas où la raison ne fait point entendre, parce qu’elle est combattue par de secrets sentiments, dont on ne saurait convenir, et qu’on s’avoue à peine à soi-même. « Après tout, disait aux Américains la voix de cet instinct secret, le malheur serait-il si grand, quand les gens de couleur et leurs amis périraient dans un mouvement populaire ? »

Jugez enfin de la stupeur dans laquelle chacun de nous tomba, en apprenant que l’annonce de mon union avec Marie avait été, sinon la cause, du moins le prétexte de l’insurrection. À cette nouvelle, tous les ressentiments qu’avaient fait naître quelques mariages précédents entre des blancs et des femmes de couleur s’étaient réveillés. La partie éclairée de la population, sans éprouver des passions aussi violentes, sympathisait avec elles ; elle n’eût point suscité la révolte, mais elle laissait faire les rebelles, et, je ne sais si elle eût jamais arrêté leurs excès, n’était la crainte qu’elle sentit pour elle-même d’une multitude effrénée, qu’elle vit enivrée de désordre et avide de destruction.



LE DEPART DE L’AMERIQUE CIVILISEE.

Nelson me dit : « Il vous manquait cette dernière épreuve…

— « De grâce, m’écriai-je, ne faites pas à mon cœur l’injure de l’interroger… Mais dites, quand serai-je uni à celle qui m’est plus chère mille fois qu’elle ne le fut jamais ?…

— « Hélas ! mon ami, répliqua Nelson après un long silence, tout est obstacle, embarras et malheur autour de nous… Je ne vois de certain que la nécessité où nous sommes de quitter New-York sans le moindre retard. »