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aux maris trompés, des applaudissements aux amants heureux, et de l’indulgence aux femmes adultères. Les Américains ont plus de moralité parce qu’ils n’ont pas de spectacles ; et ils n’ont pas de spectacles à cause de leur moralité. Ceci est à la fois cause et effet.

XXXIX.

« Ce n’est pas seulement par amour pour la morale que les Américains fuient le théâtre, car beaucoup qui n’y vont pas se livrent chez eux à d’ignobles plaisirs. Le spectacle est un amusement dont naturellement ils n’ont pas le goût. Ils tiennent cette antipathie des Anglais, leurs aïeux, et subissent encore l’influence du puritanisme des premiers colons américains. Le théâtre n’a jamais été, en Angleterre, qu’une mode des hautes classes, ou une débauche du bas peuple ; et ce sont les classes moyennes de ce pays qui ont peuplé l’Amérique. Quelle que soit la cause, l’effet est certain ; le génie poétique est, aux États-Unis, dépouillé de son plus bel attribut ; ôtez à la France son théâtre, et dites où sont ses poètes.

XL.

« La religion, si féconde en poétiques harmonies, ne porte au cœur des Américains ni inspiration, ni enthousiasme. L’habitant des États-Unis aime, dans son culte, non ce qui parle à l’âme, mais seulement ce qui s’adresse à sa raison ; il l’aime comme principe d’ordre, et non comme source de douces émotions. L’Italien est religieux en artiste ; l’Américain l’est en homme rangé.

XLI.

« Les cultes chrétiens sont d’ailleurs trop divisés en Amérique, pour fournir aux beaux-arts des sujets d’un intérêt général : la secte des quakers, simple et modeste, ne se bâtira point des palais somptueux ; qu’importent à l’église méthodiste les admirables sermons de M. Channings, ministre des unitaires ? Si la communion baptiste élève quelque monument à sa croyance, de quel intérêt sera-ce pour les presbytériens ?