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— Onéda ! Onéda !s’écrie-t-il.

— Mantéo est un traître, répond la jeune Indienne.

— Grâce, ma bien-aimée ! mon cœur est à toi seule… oh ! attends… encore un instant…

Et comme Mantéo, tout haletant, allait saisir son épouse et l’enchaîner dans ses bras, Onéda, qui venait de prononcer les dernières paroles de son hymne funèbre, se précipita de la pointe du rocher dans le lac, où elle périt aux yeux de tous.

Ce triste événement avait répandu le deuil parmi les Ottawas, il fut surtout un sujet de vive douleur pour les femmes, qui creusèrent une tombe sur le rocher même, théâtre de la catastrophe.

Chaque jour, depuis les funérailles, les Indiennes se réunissaient en ce lieu pour y pleurer la pauvre Onéda. C’était la troisième fois qu’elles venaient payer ce tribut de larmes au souvenir d’une touchante infortune, lorsqu’elles furent entendues de Ludovic et du voyageur. Ceux-ci, qui s’étaient approchés d’elles, les virent allumer un feu sur le tombeau, et préparer le festin des morts. Chacune d’elles jetait aux flammes quelques graines odorantes, espérant attirer l’âme de l’épouse malheureuse par le parfum qui s’exhalait dans l’air ; elles chantaient tour à tour les stances d’un hymne funéraire, et répétaient en chœur :

« Plaignez Onéda : elle aimait Mantéo, l’insensée ! Mantéo ne l’aimait pas.

« Onéda servait Mantéo fidèlement ; elle était prompte à dresser sa hutte ; triste au départ de son époux ; pleine de joie au retour ; attentive aux récits du chasseur ; heureuse, la nuit, de son amour. « Plaignez Onéda : elle aimait Mantéo, l’insensée ! Mantéo ne l’aimait pas.

« Quand l’homme dit à la femme : Tu es mon esclave, ton destin est de me servir, tu vivras avec mes autres femmes comme elles tu me seras fidèle, malgré mes inconstances, et,