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qu’ennemis, plus esclaves d’un préjugé que d’une passion, aspirent moins à triompher l’un de l’autre parla force et l’adresse, qu’à se vaincre en générosité.

En Amérique, le duel a toujours une cause grave, et le plus souvent une issue funeste ; on envoie ou l’on accepte un cartel, non pour être agréable au monde, mais afin de complaire à son ressentiment. Le duel n’est pas une mode, un préjugé, c’est un moyen de prendre la vie de son ennemi. Chez nous, le duel le plus sérieux s’arrête en général au premier sang ; rarement il cesse en Amérique autrement que par la mort de l’un des combattants.

Il y a dans le caractère de l’Américain un mélange de violence et de froideur qui répand sur ses passions une teinte sombre et cruelle ; il ne cède point, quand il se bat en duel, à l’entraînement d’un premier mouvement ; il calcule sa haine, il délibère ses inimitiés, et réfléchit ses vengeances.

On trouve, dans l’Ouest, des États demi-sauvages où le duel, par ses formes barbares, se rapproche de l’assassinat ; et même dans les États du Sud, où les mœurs sont plus polies, on se bat bien moins pour l’honneur que pour se tuer.

Du reste, cette barbarie du duel en Amérique est la meilleure garantie de sa prochaine disparition, il ne peut résister à l’influence d’une civilisation en progrès ; au contraire, on le voit se maintenir, en dépit des lumières, dans les pays où l’aménité même de ses formes le protége, où il tient par de profondes racines à l’élégance des mœurs et aux préjugés de l’honneur.

La scène du spectacle avait jeté Georges dans une situation morale impossible à décrire : le trouble de son âme était extrême, et de violentes passions y fermentaient sans doute ; il paraissait maître de ses emportements ; on voyait de la résignation dans sa colère : cette puissance de Georges sur lui-même m’effraya ; il me parut que sa tête roulait quelque dessein important, et qu’il n’échappait à l’empire d’un sentiment que parce qu’il était sous le joug d’une idée ; il passait ses nuits en méditations : et, je lui voyais pendant le jour des relations étranges avec des gens de couleur dont il ne m’avait jamais parlé ; redoutant tout de ce caractère impétueux et de ce cœur blessé, je fis entendre au frère de Marie tous les conseils