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je donnai caution pour Georges et pour moi. La liberté lui fut aussitôt rendue.

Aux États-Unis comme en Angleterre, l’argent est un passe-port universel, et il n’y a guère de lois pénales qu’on ne puisse éluder en payant. Ce phénomène se conçoit encore dans un pays aristocratique comme l’Angleterre ; mais il se comprend à peine au sein d’une démocratie qui ne reconnaît point la supériorité des richesses. *

[Note de l’auteur. * Réf. ]

Le lendemain, Georges avait passé de l’exaspération la plus violente à une fureur muette et sombre ; son silence m’effrayait plus que les éclats de sa colère : je l’entendis murmurer sourdement ces paroles : « Quelle destinée ! recevoir l’outrage, et ne le point venger !… »

— « Ami, lui dis-je en l’interrompant, n’exhale point cette plainte en ma présence ; car je suis heureux ; c’est moi qui vengerai ton injure ; l’orgueilleux Américain sera bien forcé de m’accorder la réparation qu’il refuse à ton sang… »

Tandis que nous parlions ainsi sur la voie publique, notre attention fut excitée par un entretien assez vif auquel se livraient plusieurs personnes réunies. La querelle du théâtre était le sujet de leurs débats. — « C’est, » disait l’un des interlocuteurs, « une chose étrange que l’audace des gens de couleur. » — « Que pensez-vous, » disait un autre, « de ce Français qui propose un duel à un Bostonien ? — On dit que le Yankee a reçu un soufflet. — Eh bien ! celui qui l’a donné aura un procès ! ** »

[Note de l’auteur. ** Réf. ]

— « Quels hommes ! » s’écria Georges avec mépris, et nous nous éloignâmes.

Telle est en effet l’opinion publique dans le Nord des États-Unis. Toutes les querelles aboutissent aux tribunaux ; on suit dans toute sa rigueur le principe que nul ne doit se faire justice soi-même ; et chacun la demande à la loi.

Il n’en est point ainsi dans tous les États du Sud et de l’Ouest ; là le duel se retrouve, ou du moins quelque chose qui lui ressemble.

Ce n’est plus ce combat élégant, aux armes courtoises et chevaleresques, où l’on voit, moins avides de sang que d’honneur, deux champions intrépides qui craignent presque autant d’être vainqueurs que vaincus ; et qui, rivaux plutôt