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hui d’en sortir ! Déjà nous avons vendu beaucoup de terres ; on nous avait dit que l’argent rendrait nos existences plus douces et plus heureuses ; mais il a glissé de nos mains en même temps qu’on nous prenait nos forêts, et notre sort n’a point changé. Vous nous offrez l’eau de feu que nous aimons ; j’ignore comment il arrive que ce qui est bon fasse du mal : mais depuis que nous buvons cette liqueur délicieuse, les disputes, les rixes, les meurtres abondent parmi nous. Hommes blancs ! je ne sais point répondre à vos paroles, sinon que nous sommes toujours plus malheureux en vous écoutant. »

Voyant qu’ils n’obtenaient rien par l’adresse et la ruse, les Américains ont eu recours à la violence. Non à la violence des armes, mais à celle des décrets ; car ce peuple, faiseur de lois, placé en face de sauvages ignorants, leur livre une guerre de procureur ; * et, comme pour couvrir son iniquité d’un simulacre de justice, les expulse des lieux par acte en bonne forme.

[Note de l’auteur. * Réf. ] La législature de la Géorgie statua que les Indiens n’étaient point propriétaires, mais seulement usufruitiers ; qu’il appartenait à la souveraineté nationale de fixer la durée de cet usufruit ; et, déclarant qu’il avait cessé, elle autorisa les Américains à prendre les terres des Indiens ; ceux-ci, peu versés dans les distinctions que fait la jurisprudence entre l’usufruit et la propriété, ne comprirent rien à ce décret, sinon qu’on les chassait pour se mettre à leur place ; ils protestèrent encore une fois… La querelle fut déférée au jugement de la cour suprême des États-Unis ; ce tribunal auguste, placé au sommet de l’échelle sociale, dans des régions inaccessibles aux basses passions, se prononça solennellement en faveur des indigènes, et déclara qu’on n’avait point le droit de les déposséder : le débat semblait terminé. Cependant, comme des gens d’affaires ne manquent jamais de raisons légales, même pour désobéir aux lois, les Géorgiens repoussèrent avec mépris l’arrêt de la suprême cour, disant que la question jugée par ce tribunal n’était point de sa compétence. Ce n’était pas déclarer la guerre, mais c’était la rendre inévitable.

Tous ces faits s’étaient passés peu de temps après mon départ de Baltimore ; ils avaient excité une vive indignation dans toutes les âmes généreuses. Nelson, qui toute sa vie