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de faim jusqu’au tems de mon dîner ; si je sacrifiais mon déjeuner à cette pauvre créature, peut-être lui sauverais-je la vie. Il résolut de suivre ce bon mouvement, et mit son pain dans la main de cette fille, qui le porta à sa bouche avec avidité. Elle parut bientôt entièrement remise, et Chéri, ravi de joie de l’avoir secourue si à-propos, pensait à retourner au palais, lorsqu’il entendit de grands cris ; c’était Zélie entre les mains de quatre hommes, qui l’entraînaient vers cette belle maison, où ils la forcèrent d’entrer. Chéri regretta alors sa figure de monstre, qui lui aurait donné les moyens de secourir Zélie ; mais, faible chien, il ne put qu’aboyer contre ses ravisseurs, et s’efforça de les suivre. On le chassa à coups de pied, et il résolut de ne point quitter ce lieu, pour savoir ce que deviendrait Zélie. Il se reprochait les malheurs de cette belle fille. Hélas ! disait-il en lui-même, je suis irrité contre ceux qui l’enlèvent ; n’ai-je pas commis le même crime ?