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le château vert

— Que reprochez-vous à ma mère, s’il vous plaît ?

Té ! De quoi elle se mêle, cette princesse, parce qu’elle veut se marier avec le fils d’un négociant !

— Quelle insolente !

— Pas tant que vous. Et de qui êtes-vous la fille ? Si vous ne le savez pas, que votre père vous le dise !…

Mariette frissonna d’indignation et de douleur. Sa mère la tirait par la manche :

— Viens ! Viens ! Dans quel pétrin nous sommes tombées !

À leur tour, les marchandes, les ménagères assistaient à la bataille avec beaucoup d’agrément. Quelques-unes, surtout les jeunes, ricanaient de mépris à l’égard des dames Barrière.

— Oui, retirons-nous, dit Mariette. Cette mégère ne mérite pas qu’on lui réponde.

— Qu’est-ce que vous me répondriez ? Rien du tout, puisque je dis la vérité.

Mme Barrière et sa fille, courbées sous la honte, s’en fuyaient, très loin, au delà de la cathédrale. Mariette interrogea :

— Enfin, ma mère, pourquoi sommes-nous détestées à ce point ?

— À la maison, ton père… Moi, je ne sais rien.

— On m’en veut depuis que je suis fiancée. Je n’ai pourtant fait de mal à personne !…

— Ton père t’expliquera….

Dans le rocailleux chemin, elles se hâtaient encore. Mme Barrière ouvrit bien vite sa porte. Et toutes les deux franchirent avec soulagement le seuil très doux.


CHAPITRE XIII

Le lendemain matin, la mère de Philippe attendit vainement Mariette, qui devait l’accompagner dans un magasin pour choisir un tapis et quelques meubles. Mariette était allée à la cathédrale prier Dieu. Elle savait maintenant l’accusation abominable dont on accablait son père. Quoique celui-ci n’eût pas l’air de s’en émouvoir, le chagrin ne quittait point l’âme si chaste de la grande enfant, ni la frayeur qu’elle avait des gens et des choses. Certes,