Page:Beaume - Le château vert, 1935.pdf/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
75
le château vert

qu’un a crié derrière moi, sûrement à mon adresse, une insulte abominable.

— À toi, une insulte ! gronda Barrière.

— On m’a crié : Voilà la fille du voleur !… Qu’est-ce que cela peut-il signifier ?

— Rien. Et quelle est la canaille qui a eu cette audace ?

— Golze, le marchand de casquettes.

— C’est un triste sire, qui a fait faillite cinq ou six fois. J’espère que tu chasseras bien vite le souvenir de cette sottise. Ah ! Tu es jeune. Tu ne sais pas combien les hommes sont lâches. Beaucoup, notamment ceux de ma génération, ne me pardonnent pas mes succès.

— Pardi ! ajouta la mère. Il faut toujours payer sa chance d’une manière ou d’une autre.

— Oui, soupira Mariette. À présent que j’ai tout dit, je ne souffre plus, je souffre moins.

— Laissons ces horreurs. Ne pensons qu’à jouir de la vie qui est bonne, et à nous féliciter de ton mariage qui, je ne le cache pas, me ravit.

— C’est vrai. Nous sommes trop heureux pour ne pas exciter l’envie.

Et Mariette baisa la main de son père, qui allait prendre du pain. Elle mangea de bon appétit, ainsi qu’à l’ordinaire, mais par moments il lui semblait que son cœur subitement se déchirait encore.


CHAPITRE XI

Après le déjeuner, Philippe se présenta. Il était d’humeur souriante, tout glorieux de retrouver sa fiancée charmante de beauté, de gentillesse, la taille haute, la tête fine, Robuste aussi, le visage au teint mat et rose éclairé par la lumière de ses yeux noirs, sous la richesse de ses cheveux noirs que lustrait parfois un rayon de soleil. Philippe l’aimait avec la même innocence que le premier jour, la même joie reconnaissante.

Cependant, il eut soudain l’émoi que Mariette avait un sourire confus et qu’elle n’osait pas le regarder en face, après qu’on eut pris le café, il l’embrassa, d’une étreinte chaste, et lui dit :