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le château vert

— Je me reproche d’avoir, vis-à-vis de Thérèse, usé de ménagements.

— L’orage se dissipera sans doute. Mais chez eux quelle rancune ! Il faudra se méfier, peut-être pas pour nous. Pour Mariette, pour ses parents. Qu’a voulu insinuer Thérèse à propos de M. Barrière ?

— Bah ! des mots en l’air. En tout cas, si les Barrière sont d’une origine modeste, nous aussi. Thérèse, qui a la langue bien pendue, a un toupet du diable. Si par hasard elle effleure de la moindre médisance la personne de Mariette, je ne lui pardonnerai pas.

— Ne nous montons pas la tête, nous autres, comme ont fait ces toquées du Château Vert.

— Je souhaite certes que Thérèse soit heureuse dans la vie, mais elle ne le sera pas. Elle ne comprend rien à la réalité des choses, et, dépourvue d’une bonne éducation, elle s’abandonne à ses caprices, comme une girouette au vent qui passe.

— J’ai peur que tu n’aies mille fois raisons.


CHAPITRE IX

Thérèse, ayant de la fenêtre de sa chambre vu l’auto des Ravin repartir pour Agde, descendit dare-dare chez ses parents. Elle y fit irruption, en claquant la porte criant :

— Les voilà en route ! Ce n’était pas trop tôt. S’ils s’imaginent qu’on va laisser passer ça !

— Que feras-tu ? lui demanda son père.

— Je dirai à tout le monde que Barrière est un voleur.

— En es-tu sûre ?

— Pourquoi non ! maugréa la mère.

— Toi, tu ne penses plus à ce que nous devons aux Ravin.

— Ce que je m’en moque, ricana Thérèse.

— Tu t’en moques, gamine. Eh bien, pas moi. Je ne veux pas, je ne peux pas me brouiller avec mes amis… Et, tais-toi !…

On n’avait jamais vu le faible Benoit en pareil courroux. C’est qu’il était probe, loyal, pas sot du tout, et qu’à la fin il s’indignait du désordre de ses femmes, qui le con-