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le château vert

— N’en doutez pas, mademoiselle, s’empressa-t-il de répondre.

Et d’une voix, que maintenant étranglait l’angoisse, il ajouta :

— D’ailleurs, me sera-t-il permis de vous confier tout ce je que pense ?

— Mais oui, monsieur Philippe.

— Eh bien ! la première fois que j’ai eu l’occasion de vous apercevoir ici même, dans ce beau jardin, j’ai ressenti la joie la plus profonde de ma vie. Il m’a semblé que les choses devenaient tout à coup plus belles, plus pures, plus dignes d’être aimées, et que moi-même je devenais meilleur. Et dès lors je n’ai pas cessé de penser à vous.

— À moi !… répondit-elle, en un frêle éclat de rire qui brusquement s’arrêta.

Il appuya ses bras sur la crête du mur, en même temps qu’elle se rapprochait encore. Tandis qu’il la regardait fixement, elle à son tour posa, auprès des bras de Philippe, ses mains fines, un peu longues. Il lui dit :

— Permettez-moi enfin, mademoiselle, de souhaiter, que bientôt ce mur ne nous sépare plus.

Elle le regarda aussi, une seconde plus furtive que le vol d’une abeille. Elle baissa les yeux, et le teint mat de son visage, qui avait le brillant de la soie, se couvrit d’une rougeur adorable.

— J’avais compris depuis longtemps, murmura-t-elle.

— Oui, c’est vous, mademoiselle, que je rêve d’avoir, un jour prochain, pour compagne.

— Je n’espérais pas tant de bonheur… Pardonnez-moi.

— Je vous aime.

— Toute ma tendresse est à vous.

— Que ce jour soit béni !

Ils parlaient bas, les yeux dans les yeux, avec une émotion de piété amoureuse, parmi le recueillement des choses qui, dans leur solitude, les isolait davantage.

M. Barrière, caché par le bouquet de mimosas, rappela Mariette d’une voix amicale. Bien vite, elle s’écarta du mur mitoyen, en saluant de la main.

— Au revoir ! dit-il.

Elle s’éloigna lentement, par l’allée qu’embaumaient les buissons de roses ; Et Philippe, glorieux de lui avoir confessé son amour, regagna la maison d’un pas alerte.