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le château vert

ÉPILOGUE

Deux mois après, on célébra le mariage de Philippe et de Mariette. C’était un mardi, par l’un des premiers beaux soleils du printemps. À la fin d’un exquis déjeuner de famille dans la grande serre du jardin de Barrière, les deux témoins au mariage, le président du Cercle des négociants, et le riche minotier de la Digue s’en retournèrent à leurs affaires. Bientôt les familles des mariés émirent ensemble le désir d’aller dans le voisinage faire un tour de promenade par les champs de sable et de rocailles, que traverse la coulée de lave et que pare l’immobile clarté du petit étang de Luno.

M. Barrière donnait le bras à Mme Ravin qui souriait ainsi qu’à l’ordinaire, heureuse du bonheur de son fils. M. Ravin donnait le bras à Mme Barrière, qui dissimulait mal, elle si modeste, son orgueil. Les jeunes mariés marchaient devant, sur la piste charretière zigzaguant vers les trois maisons blanches au toit rouge du Cap. Mariette en sa toilette blanche avait, ce jour de fête, tout l’éclat de sa beauté, la royale beauté de son visage brun et doré, de sa personne à la taille haute, droite et souple. Quelque fois, quand Philippe lui disait des choses un peu familières, elle s’inclinait câlinement sur son épaule et fermait à demi les yeux.

Les trois couples parlaient bas, comme s’ils eussent craint d’effaroucher les promesses de cette heure radieuse, la joie qui est aussi sensible qu’un oiseau chantant sur la branche.

— C’est donc vrai qu’on ne saura jamais où est passé ce drôle de Micquemic ? demanda Mme Ravin.

— Ma foi, non, jamais, répondit M. Barrière. Personne ne parle plus de lui. On oublie si vite.

Et Mme Barrière demandait à M. Ravin :

— On a donc plus de nouvelles du Château Vert ?

— Si, madame, répondit M. Ravin. Jusqu’à présent les Jalade me donnent satisfaction par leur docilité, leur bon ordre, leur zèle à l’ouvrage. Ils ont raison.

— Mais leur Thérèse ?

— Cette petite écervelée n’a pas cédé, du moins encore.