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rions-nous mieux faire que de céder la parole à l’auteur de la Correspondance littéraire, philosophique et critique adressée à un souverain d’Allemagne (voir tome III de l’édition Buisson ; Paris, 1812)


C’est le 26 février 1774 que le procès de M. de Beaumarchais a été jugé : par cet arrêt M. Goëzman est mis hors de cour et tout juge mis hors de cour dans une affaire criminelle devient, par là même, incapable d’exercer à l’avenir aucune charge de judicature. Madame Goëzman est condamnée au blâme et à la restitution des quinze louis, pour être appliqués aux pauvres ; en outre, à trois livres d’amende, M. de Beaumarchais est condamné pareillement au blâme et à trois livres d’amende. Ses mémoires ont été lacérés et brûlés par l’exécuteur de la justice, comme contenant des expressions et des imputations téméraires, scandaleuses et injurieuses à la magistrature en général, à aucun de ses membres, et diffamatoires envers différents particuliers. Le même arrêt fait défense audit Caron de Beaumarchais de faire à l’avenir de pareils mémoires, sous peine de punition corporelle, et, pour les avoir faits, le condamne à aumôner douze livres : il fait aussi défense à MM. Bidant, Ader, Malbête, de plus à l’avenir autoriser de pareils mémoires par leurs consultations, sous telles peines qu’il appartiendra. Les sieurs Bertrand Dairolles et Lejay sont condamnés à être admonestés et à aumôner chacun la somme de trois livres. Toutes les autres parties intéressées dans cette affaire sont mises hors de cour.

Le public, qui se permet de juger sans avoir vu les pièces du procès, ne paraît guère plus content de ce jugement que de celui de M. de Morangies, et le parterre de la Comédie française, qui depuis quelque temps s’est arrogé le droit d’applaudir ou de siffler les arrêts de la cour, l’a témoigné assez vivement à l’occasion de Crispin rival de son maître, comme il avait eu l’insolence de le faire dans la Réconciliation normande, à propos de l’affaire de M. de Morangies. Quand Crispin dit : "Il en a bien coûté à mon père pour finir son procès ; mais la justice est une si belle chose qu’on ne saurait trop la payer." toute la salle retentit des applaudissements les plus indécents. Les éclats de rire ont redoublé quand il dit : « Il est vrai