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COMPTE RENDU

DE

L’AFFAIRE DES AUTEURS DRAMATIQUES

ET DES COMÉDIENS FRANÇAIS

PAR BEAUMARCHAIS, L’UN DES COMMISSAIRES DES GENS DE LETTRES ET CHARGÉ DE LEURS POUVOIRS

On répand dans Paris que depuis quatre ans je fais tous mes efforts pour entrer en procès avec la Comédie française, parce qu’elle est injuste envers les auteurs : et moi je vais montrer tout ce que j’ai tenté depuis quatre ans pour éviter d’avoir ce procès avec la Comédie, quoiqu’elle soit très-injuste envers les auteurs.

On ajoute avec un espoir malin que je vais faire un mémoire fort plaisant contre les comédiens ; et parce qu’on rit quelquefois aux jeux du théâtre, on croit qu’il faut rire aussi des affaires du théâtre : on confond tout dans la société. Mais que les comédiens se rassurent ! le plus simple exposé de notre conduite réciproque est le seul écrit qui sortira de ma plume ; il tiendra lieu de ce plaisant mémoire, que je ne ferai point.

On dit aux foyers des spectacles qu’il n’est pas noble aux auteurs de plaider pour le vil intérêt, eux qui se piquent de prétendre à la gloire. On a raison : la gloire est attrayante ; mais on oublie que, pour en jouir seulement une année, la nature nous condamne à dîner trois cent soixante-cinq fois ; et si le guerrier, l’homme d’État ne rougit point de recueillir la noble pension due à ses services, en sollicitant le grade qui peut lui en valoir une plus forte, pourquoi le fils d’Apollon, l’amant des Muses, incessamment forcé de compter avec son boulanger, négligerait-il de compter avec les comédiens ? Aussi croyons-nous rendre à chacun ce qui lui est dû, quand nous demandons les lauriers de la Comédie au public qui les accorde, et l’argent reçu du public à la Comédie qui le retient.

On prétend surtout qu’au lieu d’arranger l’affaire des auteurs, qui m’était confiée depuis quatre ans, je me suis rendu redoutable aux comédiens, et montré dur, injuste, intraitable, au point d’offenser personnellement MM. les premiers gentilshommes de la chambre 11, qui se portaient conciliateurs. Ce dernier trait m’oblige à ne composer mon récit que des lettres et réponses de chacun, c’est-à-dire à réduire l’affaire aux seules pièces justificatives.

Si cette façon d’exposer les faits est sèche, sans grâce, et peu propre à soutenir l’attention du lecteur, au moins n’en est-il aucune aussi propre à montrer qu’après m’être assuré du bon droit des auteurs, je suis depuis quatre ans un modèle de patience devant les comédiens ; et ma conduite, un effort de conciliation devant leurs supérieurs.

À la vérité, mes confrères n’auront pas en moi l’avantage d’un défenseur aussi éloquent que M. Gerbier, qui conseille et dirige et défend les comédiens ; mais la cause des auteurs est si juste, qu’elle n’a pas besoin de prestige. Des principes bien posés, des faits accumulés, une discussion exacte, un peu de saine logique, il ne faut pas d’autre éloquence à la vérité.

Procédés des auteurs envers les comédiens ;

Droits des auteurs usurpés par les comédiens :

Telle est ma division. Si mes confrères, instruits des vues dans lesquelles je fais cet expose, le reconnaissent exact, ils en signeront la conclusion. Si les comédiens y trouvent à reprendre, ils nieront les faits ou disputeront sur les conséquences ; alors nous espérons que le roi, bien informé du I. Les quatre premiers gentilshommes de la chambre du roi, chargés de l’administration des théâtres, étaient alors : M. le maréchal due de Bichelicu, de l’Académie française ; M. le maréchal duc de Duras, ià.’ Le ducd’Aumont,

Le duc de Fletiry.

Il y avait aussi des intendants des menus plaisirs et affaires de la chambre du roi, tels que MM. de la Fertéetdes Entelles, qui, sous ces quatre premiers gentilshommes, dirigeaient les détails des spectacles de la cour.