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dres y recueillir des instructions sur la seule, l’unique affaire qui m’eût fait quitter notre France avec nu passe-port et une prétendue mission signés du ministre Lebmn et griffés par tous ses collègues ?

Voilà, dans toul pays, comment agit l’aveugle haine, et surtout comme elle raisonne ! Mais je distingue ma patrie de tous ces artisans de meurtres. J’étais si sur de leurs motifs, que j’écrivis à ce sujet au ministre de la justice, le 28 décembre, ce qui suit :

De la prison du Ba

décembre 1792, l’an

oi.1 Londres, le.

la République.

i Partie le 2S, ; onze heures du soir. Citoyen ministre de la justice de France, « J’apprends dans cette solitude, par des nouvelles de Paris du 20 décembre, que, mettant en oubli toute autre attaque contre moi que ma lettre imprimée dans les journaux étrangers du 9 décembre, on en conclut en France que je suis émigré ; qu’en conséquence, el sans s’oi cuper davantage de la très-ridicule affaire des fusils de Hollande, où j’ai cent fois raison, on va, dit-on, vendre mes liions comme ceux d’un pauvre émigré, soit que j’aie torl ou raison sur l’exécrable calomnie qui a fondé mon décret d’accusation. Je vous déclare doue, ministre citoyen, comme au chef de notre justice, que, loin d’être émigré ni de vouloir le devenir, je suis bien plus presse de me justifier hautement devant la Convention nationale qu’aucun de mes ennemis n’est curieux de m’y voir ; et que, sans l’affreuse traversée que j’ai faite en ce temps déplorable où j’ai manqué de périr, et qui m’a enlevé mes forées et ma sauté, surtout que sans nu accident, suite de toutes les injustices que j’éprouve dans mon pays, je me ri udrais à I instant à sa barre.

Mais un de mes correspondants de Londres. qui dans cette affaire des fusils, après tout déni de justice de votre pouvoir exécutif, lequel m’a mis au dépourvu, m’avait aide de dix mille louis d’or, apprenant aujourd’hui que mes biens sont saisis H France, sous prétexte d’émigration, el que j’y vendais retourner pour prouver le contraire, m ; i demandé caution pour celte somme ; et, sur l’impossibilité de la lui donner sur-le-champ, m’a fui mettre en arrestation dans la prison du Han du lioi, mi je languis du besoin de partir, en attendant q le—.unis, à qui j’écris. me rendenl le service de ni cautionner pour les dix mille louis que je dois : ce que j’espère obtenir pour réponse.

Je vous préviens, ministre de justice, que, pendanl que mon corps est privé di outi — ses forces, mon esprit, soutenu par une juste indignalion, en a conservé assez pour dresser « m pi tition à la Convention nationale, dans laquelle je la prie, pour unique faveur, de me garantir du coup de poignard qu’on me destine (et j’ai trop de fois raisou pour qu’on ne me le destine point ;  ; de m n garantir, dis-je, par une sauvegarde qui me permette d’aller me justifier hautement devant elle. Je m’engage dan— cette pétition de consommer ma ruine eu donnant à la France mon immense cargaison d’armes, sans aucun payement de sa paît. si je ne prouve pas, au gré de ma patrie, de tous les honnêtes gens, qu’il n’y a pasunseul motdans toutes ces dénonciation— qui ne soit une absurde fausseté, une fausseté absurdissime ! J’i ngagi non-seulement mes armes, niais toute ma fortune etmavie ; et la Convention nationale aurait ma pétition depuis plus de huit jours, si les ouvrages français s’imprimaient aussi vite à Londres qu’à Paris.

" Ne pouvant me traîner, je me serais fait porter a sa suite, eussé-je du mourir arrivant à Paris ; mais je soi— en prison jusqu’aux réponses d’outremer, bailleurs j’avais pense que, dans l’horrible fermentation qu’ils ont excitée contre moi pendant mon absence de France, uniquement pour que je n’y pusse arriver, je devais me faire précéder au moins par un commencement de justification : car j’ai la conviction en main qu’on a voulu me faire assassiner, pour m’empêcher de faire avec éclat une justification pleine et satisfaisante. Les écailles tomberont des yeux sitôt qu’on m’aura entendu, et je courrai me faire entendre sitôt que mes amis m’auront envoyé une caution. , Cetie affaire de— fusils est si atrocement absurde, que je n’eusse jamais cru a un décret d’accu ation sur elle, si la gazette de la cour de /" Haye, du t er décembre, n’eût articulé très-positivementees mots, aprèsla dénonciation de— fusils : n On a été occupé hier, 22 novembre, n mettri les scellés partout dans /" maison de Beaumarchais, qui figurt aussi parmi les grands conjurés, et a écrit plusieurs lettres à Lau* X 17.

.■ Je ne mets que la traduction, mais j’écris à la Haye pour qu’on m’envoie une demi-douzaine d’exemplaires de cette gazette du I er décembre à Paris : c’est la seule accusation qui m’ait uniquement occupé. L’autre est aussi trop maladroite, et je ne larderai pas à le prouver d’une façon qui ne laissera rien à désirer.

« A l’instant où je fais partir cette lettre, ministre citoyen, j’envoie chercher mon médecin pour savoir dans quel temps il croit que je puisse soutenir la voilure de terre el de nier. Ma caution arrivée, je pars sur-le-champ pour Paris : car ce n’esl pas la frayeur de la mort qui peut m’empêcher de partir ; c’esl la crainte au contraii i i mourir sans être justifié, el par conséquenl sans vengeance d’une aussi longue série d’atrocités, qui me fera braver tous les dangers. Je déposerai au greffe de l ondres la copie certifiée de l’lie lettre, si je suis assez heureux poui qu’on me permette d’en partir, afin qu’il soit au