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d'éloge. Cependant cette pièce doit paraître à la tête d’un mémoire qu’on va vendre, et dont le profit reste à Bergasse avec l’honneur ! Il s’en plaint, il murmure ; sitôt Bergasse, le renard, écrivit au rédacteur pour apaiser son compagnon :

« Il est essentiel que madame Kornman, dans ses lettres, dise qu’elle regarde son mari comme un homme infiniment honnête ; et qui :, l.ini qu’elle a vécu à côté de lui, elle a toujours reconnu en lui une manière de penser infiniment noble '>, etc.

On ajoute à la transaction l’éloge exigé du mari ; et Bergasse, croyant enfin avoir enveloppé sa victime, ne garde plus aucune mesure. Ses intentions, ses espérances, la jactance d’un fat enivré de son vin, sa bravade, son juste esprit, tout est versé dans le billet suivant :

« Il est bien important, mon cher ami, que vous vous occupiez sur-le-champ du plan dont je vous ai parlé hier. Si vous pouvez voir madame Kornman, tâchez de me la faire voir ;je lui amènerai ses enfants, et nous ferons une scène de larmes ■ on finira Ton-. Je viens de rédiger une note contre l’écrit du sieur de Beaumarchais, qui, je j'espère, sera imprimée cette nuit, et paraîtra demain. J’y parle d’elle avec intérêt, et de Beaumarchais avec modération ; j’espère que vous en tserez content, etc., etc. » On ajoutait même, au Palais, que le billet fini ! par ces ts bien étranges (mais l’avocat de la dame Kornman ne les a point articulés) : « Soyez bien persuadé que ni Kornman ni moi ne serons décrétés pour avoir publié notre mémoire ; je crois que le public entier décréterait à coups de pierres le tribunal qui entreprendrait de nous demander compte de notre conduite. ■

Ce qui rend assez vraisemblable cette phrase de son billet, c’esl le ton qu’il a pris à l’audience de la grand’chambre, en rappelant en d’antres termes à peu près les mômes idées. On l’a vu apaisant de la main les battements donl ses amis couvraient ses périodes commencées. Plein d’une vanité fougueuse ei menaçant les magistrats, il leur disait : Si par un hasard imprévu vous alliez faire perdre la cause a l’innocence, aux bonnes mœurs, il n’j a personne dans celle assemblée qui ne se levai aussitôt et qui ne prit nuire défense.

Songez a vous, augustes magistrats ! Si par malleur vous i lamnez Bergasse el Kornman (vous voyez comme ils ont traite les magistrats du Chàlelcl . ils ous feronl décréter à leur manière, par le public île leur i|iijrtier, de la rue Carôme-Prenant. Gardez-vous bien de prononcer contre eux ! En voilà bien assez ! .Nos adversaires -nul ci m nu-. I. a da me Kornman indignée ri un pi I la négociation, ei la guerre a recommencé.

Avant île la faire éclater au Palais, ils onl voulu essayer d’effrayer celle dame, n’ayant pu la séduire ; cl, | r lui faire donner la déclaration qu’ils voulaient, avec laquelle ils entendaient | suivre M. Le Noir et Beaumarchais, sous le nom de l’infortunée, ils ont emprunté soin dément au sieur Bonnard une maison près de Neuilly, sous prétexte qu’une grande dame voulait y voir en secret son époux, dont on sait qu’elle est séparée. Ils ont eu l’arl d’y faire conduire adroitement la dame Kornman par île- hommes... grand Dieu ! qu’on était loin de suspecter ; et là ils l’ont liv i ce pendant six heures de suiti aux fureurs d’une pythonissc, d’une somnambuliste ardente, bien instruite et bien inspirée, laquelle avait dîné la veille dans la maison de Kornman, eu on lui avait appris ce qu’elle avait à dire. Il a fallu tout le courage d’une femme habituée au malheur, | ’ resi-ter a des scène- si longues et si fâcheuses, f r que ce lâche emploi du magnétisme prophétique ne la tii pas succombera la terreur d’un tel spectacle. Le détail de ces tentatives, écrit naïvement par la dame Kornman elle-même en sortant de celte obsession, est mi des plus étranges écrits, des pin- rire- qu’on puisse lire. Ou voit réuni toul ce que la scélératesse de forcenés très-maladroits peut joindre a l’imbécillité de dignes fous de Charenton.

Ces détails onl été mis -mi- les veux des magistrats. Le respect nous défend d’en dire davantage. Celle autre tentative n’ayant pas mieux réussi que la première, force a été de suivre le procès. Mais quelle guerre abominable ! Tous mes anciens valets séduits ou menacés ; une profusion immense de libelle- : plus de deux cents en dix-huit moi-, et tous payés par Kornman ; les registres d’une imprimerie, déposés au greffe criminel. seront la preuve de ces faits : Reçu tant du sieur Kornman pour tel pamphlet, tant pour une circulaire, etc., etc. A chaque instant des lettre- anonymes. J’en ai déposé une au greffe, qui accompagnait un libelle imprime dans lequel on cherchait a me désigner comme auteur des écrits scandaleux contre les magistrats ; et, crainte que je ne me méprisse aux agents de ces infamies, ils m’ont accusé hautement, dans un libelle signé Bergasse, d’avoir vendu ma plume au ministère pour insulter les magistrats absents, espérant bien par là me les rendre défavorables lorsque je demanderais vengeance contre ce cours d’atrocités. On a u de quel ton j’ai relevé cette apostrophe dans mon second mémoire, qui a précédé celui-ci. Ils ont ameuté contre moi la jeunesse indisciplinée qui rôdail autour du Palais, el m’ont fait menacer partout, sous prétexte de ces écrits. Ils m’ont l’ail insulter un soir, sortant à pied de mon jardin. Depuis ce temps j’ai mieux veillé sur moi, ne marchanl plus qu’avec des armes. IN oui lait casser, une nuit, des statues de Germain Pilon, monument du seizième siècle ci restes précieux de l’arc triomphal Saint-Antoine, que