Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/561

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il a déjà un arrêt de surséance. Je ne puis savoir encore jusqu’à quel point cette faillite peut nuire à l’affaire des Quinze-Vingts ; je tremble qu’il n’y ait bien du tripotage dans tout cela.

« Je fais en ce moment le premier acte conservatoire utile à vos intérêts et à ceux de M. le cardinal. Il m’a instamment prié d’inspecter les gaillards (pour user de vos termes) qui ont usé des fonds de tout le monde pour faire leurs affaires, qu’ils ont même eu la sottise de gâter avec autant de moyens honnêtes et malhonnêtes de les accommoder.

J’écris à M. Amelot que je m’oppose, au nom de M. le cardinal et pour les intérêts du roi, dont la compagnie des Quinze-Vingts est débitrice, à ce que les lettres de surséance obtenues par Kornman aient aucun effet contre les Quinze-Vingts, dont il était caissier. Votre trésorier y étant jusqu’au cou et ne vous ayant pas encore rendu ses comptes, il est à craindre que l’arrêt desurséano d Kornman ne finisse par vous nuire. C’est à vous, monseigneur, à voir M. Amelot et M. Le Noir, pour nous aider à obtenir la distraction de la surséance donnée à kornman, dans toutes ses relations avec l’affaire des Quinze-Vingts. Cela vous est essentiel J’établis pendant mon absence la plus rigoureuse inquisition sur les gaillards. En vérité, tout m’est suspect. Votre maison, dit-on, est payée depuis longtemps en effets Kornman ; quelle misère aujourd’hui, s’il fallait tout rembourser ! Cela fait mal penser. Je ne suis pas encore hors d’espoir de tout sauver. Mais, monseigneur, pendant mon absence, je prie Votre Altesse de ne faire que des actes conservatoires. Il est bien étonnant que je vous aie trouvé dans l’ignorance absolue des dix-huit cent mille livres que la compagnie • si cen êe avoir payées au roi, mais qu’elle doit encore ! Comment vous laissait-on faire un prêt, sans celle instruction préalable, à une affaire dont l’état compromettait la sûreté de votre prêt ? Je n’entends rien à tout cela, mais j’espère l’entendre bientôt ; et soyez certain, monseigneur, que je m’en servirai pour vos intérêts.

« Je suis, avec le plus parfait dévouement, de Votre Altesse Sérénissime, monseigneur, le, etc.

« Signé Caron de Beaumarchais. »

Ce jour même, à neuf heures du soir, je passai dans ma voiture de poste au Palais-Royal, où j’eus l’honneur de conférer avec monseigneur le duc . Ils ont fait croire à tout le monde que ma lettre à M. Amelot avait ruiné leur crédit, et l’on peut bien juger qu’on m’en a fait un crime : car, dans cette odieuse affaire, l’envie de me trouver coupable a fait passer chacun par-dessus tous les examens. Si l’on eût daigné réfléchir que c’est après sa fuite, sa surséance et sa faillite i ! " | écrivis ces quatre lettres, l’indignation dont elles sont pleines aurait enflammé mes lecteurs. L’artifice de ces origan Is est de t.jut dénaturer ; et le public, inattentif, est toujours dupe fice.

de Chartres sur la partie de cette affaire qui touchait à ses intérêts. S. A., il est vrai, ne fit point de démarches pour faire excepter les Quinze-Vingts de la surséance accordée à Kornman en fuite ; mais elle me sut beaucoup de gré du zèle que je lui montrais, prit des précautions intérieures, pour assurer ses capitaux, et, daignant depuis reconnaître ma lettre du 4 août comme authentique et comme reçue à son époque. Monseigneur a trouvé juste que je l’imprimasse pour servir à ma justification, que nul n’a le droit d’arrêter. En quittant Son Altesse le i août 1782, à dix heures du soir, je partis du Palais-Royal (car j’étais en route ; pour la Rochelle i i pour Bordeaux, d’où je comptais me rendre par Montpellier, Lyon et Strasbourg, à Kehl, et conférer, en passant à Saverne, avec M. le cardinal, sur l’influence qu’aurait eue la faillite de Kornman sur l’affaire des Quinze-Vingts.

Mais le sort disposa autrement de mon temps ; je restai cinq mois à Bordeaux, occupé de mettre à la mer trois vaisseaux richement chargés i’ nos i ! — et pour l’Amérique, et que l’Anglais sir James Luttrcl, beau-frère du duc de Cumberland, me prit à vingt lieues de la côte, par une infâme trahison, non pas de sir James Luttrel, mais il un capitaine suédois exprès sorti de la rivière pour aller indiquer au commodore anglais l’instant juste de leur départ. Malheureusement pour moi, je ne < 1 i ~ i|in ci’qui est connu de mes concitoyens, de toute la France commerçante.

Dernière victime de la guerre, affecté d’une perte énorme, je revins à Paris en janvier i : > : i, sans aller à Saverne ; et depuis ce temps malheureux je n’ai plus entendu parler ni des Quinze-Vingts ni de leurs embarras, et je n’ai eu d’autre part aux affaires de la dame Kornman que par mes prompts secours versés sur sa détresse, par les consolations qu’elle a reçues de moi : heureux île l.i —i. dom mager du peu de fruit de mes démarches, pour la remettre auprès de ses enfants !

Depuis plus de trois ans le sieur Kornman était sorti de ma mémoire, quand deux assignations de lui me forcèrent d’aller déposer, c me te in. ce qui m’était connu de ses querelles avec sa femme. Assigné et réassigné, je dis en abrégé, sous la plume d’un commissaire, tout ce qu’on lit ci-dessus. Autre silence d’une année, puis leur premier libelle parut. J’y répondis ; ils répliquèrent ; et, pour tâcher d’annihiler mon témoignage, ils cherchèrent et trouvèrent dans mes anciens valets quelques faux témoins contre moi. Un portier chassé de ma maison, mais à qui je faisais l’aumône parce qu’il avait de la famille, m’implorait assez constamment (toutes ses lettres sont au procès) ; mais comme il employait l’argent qu’il m’arrachait à s’enivrer, à enivrer mes gens, je lui fis défendre ma porte. Un jour il m’écrivit la lettre qu’on va lire :