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tion d’une odieuse lâcheté qui ne m’était pas encore administrée.

Cependant le comte de la Blache assure aujourd’hui que l’ancien Caillard m’en fit le reproche : mais si le Caillard des requêtes en eût écrit un seul mot, je lui aurais répondu qu’il mentait, et je le lui aurais prouvé ; ou bien je lui aurais appris que c’était un motif de plus pour s’inscrire en faux contre le billet, s’il osait, parce qu’il n’y a pas de faux plus visible qu’une surcharge entière sur le trait d’écriture d’une lettre attaquée.

Mais, comme je ne puis aller repêcher dans le temps et dans l’espace le vain bruit égaré des prétendues paroles de Caillard, il faut donc que je m’en tienne à ce qu’il a fixé par écrit. Or il a si peu parlé de ce trait passé sur l’écriture, que pendant que le comte de la Blache assure que je suis resté, aux requêtes de l’hôtel, sans réponse à son reproche de surcharge, son Caillard d’Aix lui donne aujourd’hui le plus furieux démenti sur le prétendu reproche de l’autre Caillard, en imprimant (page 43 de la consultation des six) ce paragraphe remarquable : 1o L’inscription en faux ne serait plus possible, attendu la surcharge visible d’encre faite sur tout le corps du billet, surcharge qui n’existait pas aux requêtes de l’hôtel, et qui empêcherait aujourd’hui toute vérification. »

Surcharge qui n’existait pas aux requêtes de l’hôtel ! Voilà le mot de la question. Maintenant, lequel a menti de l’avocat ou du client ? Y avait-il une surcharge, ou n’y en avait-il pas ? Ai-je dû répondre au Caillard de Paris, qui ne me l’a jamais reprochée ? Dois-je opposer le Caillard d’Aix, qui soutient qu’elle n’existait pas alors, au seigneur ON qui dit qu’elle existait, et qu’on me l’a reprochée dans ce temps-là, quoique cela soit faux ?

Que dois-je faire surtout, lorsque, dans l’instant même ou j’écris, excepté quelques pâtés d’encre informes, le trait de tout le billet est dans sa pureté ? quand il est prouvé qu’une surcharge entière serait un motif de plus, et non un motif de moins, pour s’inscrire en faux, si l’on osait le faire ? quand j’ai bien prouvé que tout le déshonneur qu’on a voulu verser sur ce billet appartient à mes ennemis ; enfin, quand il est évident que je n’ai pas cessé de dire que je n’entendais ajouter aucune valeur à l’acte du 1er avril par la représentation de toutes ces lettres, qui lui sont inutiles.

Ô perfide et méchant adversaire ! quelle peine vous me donnez pour démasquer toutes vos fourberies à mesure que je les apprends ! Mais vous ne me lasserez pas ; je vous confondrai sur tous les points. Vous avez beau ruser, tout embrouiller pour induire en erreur, vous rendre contradictoire avec votre ancien avocat, avec vos nouveaux défenseurs, avec vous-même ; vous avez beau toujours fatiguer l’attention des magistrats par des circonstances vaines, insidieuses ou fausses : ou je l’ignorerai, ou je ne cesserai de balayer vos calomnies comme le vent du nord balaye la poussière et les feuilles desséchées.

Je ne puis trop répéter, lecteur, ce que j’ai dit plus haut sur le silence que j’oppose à une foule d’imputations aussi malhonnêtes que sans preuves. Elles ont toutes été répondues dans mes autres écrits et surtout dans mon mémoire au conseil, où je n’ai rien laissé à désirer sur la teneur, la formation, les motifs et le véritable esprit de l’acte du 1er avril 1770.

En ramenant toujours les mêmes objections vingt fois réfutées, ceci devient une guerre interminable, où l’on peut écrire et discuter cent ans, comme en théologie, sans avancer d’un pas et sans s’arrêter sur rien.

Quant aux voix qui devaient s’élever de toutes parts en ma faveur, que le comte de la Blache ne s’en inquiète pas pour moi ! N’ayant à faire juger en Provence qu’une question de droit, j’ai refusé toute offre, tout appui qui s’écartait de mon affaire ; et vous savez bien que je ne pouvais pas cumuler des moyens d’action criminelle dans une simple instance au civil. Mais je promets à mon ennemi qu’il ne perdra rien pour attendre, et qu’il les entendra, ces voix, quand il en sera temps, si le cas y échoit.

Je n’aurais pas même ajouté un seul mot à la consultation solide et froide que j’avais fait faire à Paris, et je me serais bien gardé de joindre des lettres inutiles à des lettres inutiles, au moins dans le procès actuel, si je n’avais été violemment provoqué par les injurieux propos de mon adversaire à Aix, et par la nouvelle inondation de sa soussignée de Paris, intitulée ridiculement Consultation pour M. tel contre le sieur tel.

Maintenant, qui pensez-vous qu’on brûlera, messieurs, ou moi qui n’avance que des faits dont j’ai la preuve et la conviction parfaite, ou vous qui diffamez en parlant de ce que vous ignorez, en alléguant des faits dont vous savez la fausseté ? Quel est le plus digne, à votre avis, du feu, de celui qui se ment à soi-même, pour dépouiller, pour opprimer, pour perdre un adversaire, ou de celui qui repousse avec force et sans ménagement l’ennemi qui l’attaque sans pudeur ?

Et quand un homme est assez insensé pour s’exposer, par des horreurs bien prouvées, aux reproches les plus graves dont on puisse le couvrir, comment ose-t-il se plaindre après coup d’un mal dont il lui fût si aisé de se garantir ?

J’ai trouvé partout le mot fripon dans vos écrits ; je l’ai mis dans la balance, et j’ai reconnu qu’il pesait cent livres. Opposant pour contre-poids celui de calomniateur dans les miens, j’ai trouvé qu’il n’en pesait que dix. Il n’y a point de parité, me suis-je dit. Aussitôt, changeant d’instrument, j’ai fait glisser le poids léger de calomnie au bout d’un levier composé, comme je l’ai dit, des circonstances très-aggravantes, et j’ai gagné l’équilibre